Hypersensible
Par Philippe Laguë
Dire que les Saab suscitent la controverse est un euphémisme. Les fidèles de la marque – il y en a – sont prêts à tout leur pardonner, même leur manque de fiabilité notoire. C’est que ces voitures suédoises ont du charisme parce qu’elles sont tout, sauf conformistes. Elles ont de la personnalité. Et du caractère. Mais les récentes 9-5 et 9-3 ont prouvé qu’elles pouvaient mettre de l’eau dans leur vin.
Carrosserie
Digne descendante des Saab 99 et 900, la 9-3 a toujours adopté une carrosserie bicorps (hatchback). Celle-ci vient toutefois d’être abandonnée au profit d’une carrosserie trois volumes à cause des exigences du marché nord-américain. Les orthodoxes ont beau dénoncer le non-respect de la tradition, force est d’admettre que les stylistes ont su conserver l’âme de la marque. De plus, ses lignes très pures sont d’une grande beauté. C’est sans doute ce qui a déconcerté les gardiens de la tradition, habitués aux laiderons de la firme de Tröllhattan. Pour 2004, une deuxième configuration vient s’ajouter, soit le très attendu cabriolet, qui compte lui aussi sur une légion de fidèles.
Habitacle
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Telle semble être la devise de ce constructeur pas comme les autres, marginal et fier de l’être. Passe encore pour la clé de contact, située entre les deux sièges, sur la console; c’est un classique. Mais il faut ensuite se familiariser avec l’ordinateur de bord, ce qui n’a rien d’évident, ainsi qu’avec les commandes de la chaîne audio et de la climatisation, inutilement complexes. Par contre, la présentation intérieure est à la fois originale et fort agréable à l’œil, tandis que le soin apporté à la finition est notable. La canicule de l’été dernier nous a par ailleurs permis de constater l’efficacité de la climatisation. L’excellente réputation des Saab en matière de confort n’est pas surfaite; elle en est en partie redevable à de très bons sièges, à l’avant comme à l’arrière. Il faudra cependant s’habituer aux appuie-tête. Fort bien insonorisé, l’habitacle est aussi très spacieux, particulièrement à l’arrière. À ce chapitre, la 9-3 surpasse ses rivales allemandes.
Mécanique
Une Saab sans turbo ne serait pas une Saab. Normal, car ce constructeur suédois fut le premier à introduire cette technologie sur une voiture de grande série à la fin des années 70. La 9-3 peut recevoir deux motorisations à 4 cylindres suralimentées par un turbocompresseur. Leur cylindrée est la même (2 litres), mais leur puissance varie selon la version : 175 chevaux pour la 9-3 Linear, 210 pour la 9-3 Arc (quels noms étranges !). La première ne m’a guère impressionné à cause de son absence de couple à bas régime et de son manque de progressivité. Pour des performances dignes d’une voiture de ce rang, il faut opter pour le 4-cylindres muni d’un turbo à haut rendement. À moins de 3000 tours-minute, il ne se passe pas grand-chose, mais après, c’est une autre histoire ! Ce moteur a du coffre, mais, surtout, il impressionne par sa souplesse, tout en se montrant très silencieux. Une fois lancé, il se transforme en sprinter, mais il faut jouer du levier pour l’exploiter à sa pleine mesure. On ne s’en plaindra pas, car la boîte manuelle est un modèle du genre, tout comme l’embrayage. Le freinage effectue également du bon travail, ainsi que la direction, aussi rapide que précise.
Comportement
Les Saab ont longtemps eu la réputation d’être des voitures caractérielles. Ce n’est plus le cas, mais la conduite d’une 9-3 demande néanmoins une période d’adaptation. Si elle n’est plus imprévisible comme sa devancière, elle est toujours aussi hypersensible. Elle réagit au moindre petit coup de frein, d’accélérateur, de volant, bref, c’est une voiture qui vit ! En conduite sportive, c’est plutôt agréable, car elle communique beaucoup, mais en conduite normale, il faut s’habituer à doser chaque geste, à y aller en douceur. L’excellent travail des trains roulants se doit d’être souligné, la suspension conférant à cette berline une grande douceur de roulement, combinée à une tenue de route de premier ordre, où le sous-virage propre aux tractions est à peine perceptible.
Conclusion
Hypersensible, la Saab 9-3 l’est, hélas, au propre comme au figuré. Concrètement, cela signifie que la fiabilité demeure préoccupante. Nos deux véhicules d’essai, par exemple, étaient affligés de petites défectuosités qui, à défaut d’être graves, font sourciller dans une voiture de ce prix, flambant neuve de surcroît. Quand elles seront fiables, on les recommandera. Pas avant.
Forces
Design inspiré Habitacle spacieux Excellente insonorisation Routière très confortable Agrément de conduite en hausse Moteur très souple et performant (Arc)
Faiblesses
Commandes complexes Appuie-tête déconcertants Motorisation de base décevante Prix corsés Fiabilité douteuse
Nouveautés
Version Vector remplacée par version Arc avec groupe sport Cabriolet redessiné
Éric Descarries 2e opinion
Je l’avoue, j’ai toujours eu un penchant pour les produits Saab, même s’ils n’étaient pas toujours particulièrement jolis. La nouvelle génération des 9-3 affiche des lignes nettement plus modernes, et je n’ai pas de difficulté à croire que GM y ajoutera la touche de fiabilité qui a si souvent manqué à la marque. Cependant, il me semble que, dans sa refonte, la Saab de base a perdu un peu de son caractère unique. La nouvelle berline 9-3 que j’ai conduite dernièrement m’a paru plutôt comme une grande berline de luxe qu’une voiture au caractère sportif. C’est peut-être là que GM voulait en venir avec la marque, mais je m’ennuie quand même des Saab d’antan. J’ai hâte d’essayer la nouvelle 9-2 qui devrait correspondre plus à mes attentes… même si la plateforme vient de la Subaru Impreza !