Michel Crépault
On dit qu’un étranger vivant au Japon ne réussira jamais à comprendre vraiment un Japonais parce que ce dernier, aussi civilisé et accueillant se montrera-t-il, n’acceptera jamais de se livrer complètement. Il en est peut-être ainsi de la Q45 : elle a beau avoir été destinée aux Nord-Américains, elle a été conçue par des Japonais et, à cause de cette dichotomie, nous ne parvenons pas à l’assimiler parfaitement à notre conception de la voiture ultraluxueuse.
Carrosserie
Beaucoup d’aluminium, de l’acier ultrarésistant et du magnésium, mais une allure qui continue de se chercher. Pensez à une Mercedes et vous la visualisez tout de suite. Songez à une Lincoln Town Car et le paquebot apparaît. Dans le cas de la Q45, l’image reste floue parce que les stylistes n’ont pas encore mis le doigt sur une silhouette triomphante. Alors, pour 2005, ils remettent ça : tous les éléments de la section frontale, soit le capot, les phares et la grille, ont été redessinés. Des antibrouillards ont été intégrés. L’arrière a aussi goûté au scalpel : nouveau couvercle de coffre à bagages, feux arrière à diodes et fine baguette de chrome. L’objectif avoué est de relever la fibre agressive du modèle, de lui insuffler du caractère. Résultat : ce n’est pas laid, les masses sont équilibrées et une indéniable impression de qualité émane de cette berline de luxe censée se frotter aux Audi A8 et Classe S de ce monde. Mais, personnellement, j’ai hâte que Nissan reprenne ses devoirs depuis le tout début. Une voiture aussi racée à l’intérieur mérite un extérieur distinctif. J’allais oublier : pour 2005, Infiniti laisse tomber le modèle Sport pour ne garder que la version Premium.
Habitacle
Comme c’est le cas de tout porte-étendard digne de ce nom, la Q45 sert de laboratoire roulant à Nissan/Infiniti. C’est dans cet habitacle que j’ai fait connaissance pour la première fois avec un système de navigation à reconnaissance vocale, avec un régulateur de vitesse intelligent (qui garde automatiquement ses distances avec le véhicule devant vous), avec une caméra guidant mes manoeuvres à reculons. C’est aussi dans ce même habitacle ultramoderne que je n’ai jamais compris du premier coup comment toute cette pléiade de boutons fonctionnait… Pour 2005, les sorciers de l’électronique ont ajouté un dispositif qui resserre automatiquement les ceintures de sécurité dès que l’imminence d’un accident est détectée (non, la Q45 n’a pas une boule de cristal dans le coffre à gants mais un capteur qui analyse des indices tels qu’un freinage en catastrophe).
Mécanique
La Q45 est dotée d’un beau gros V8 de 4,5 litres à double arbre à cames en tête qui laisse galoper ses 340 chevaux avec un silence aristocratique et une souplesse de gymnaste olympique. La transmission automatique à cinq rapports a été tripotée afin de fournir des accélérations à la fois vives et sveltes. Cette propulsion de presque deux tonnes est truffée de toutes les aides électroniques imaginables afin de rendre les balades aussi sûres que rapides.
Comportement
Une limousine, tout simplement. Le silence à bord encouragerait des gens à venir y vivre leur retraite fermée au lieu de se rendre dans une abbaye. À l’opposé, l’excellence de la sono ravira n’importe quel mélomane. Le V8 obéit au doigt et à l’oeil puisqu’il est en mesure de passer de 0 à 100 km/h en 6,5 secondes. Les freins et la suspension travaillent en choeur pour conserver à l’auto un contrôle total et royal.
Conclusion
L’Infiniti Q45 est une excellente voiture pour qui ne cherche pas à attirer l’attention. C’est par ce qui se trouve sous le capot et dans l’habitacle que les vrais connaisseurs seront comblés. La Q45 est un moine bizarrement vêtu, féru d’arts martiaux aux conséquences létales mais qui préfère avancer dans la vie avec une attitude béate.
Forces
•Comportement musclé et raffiné •Longue liste d’accessoires avant-gardistes •Confort des sièges
Faiblesses
• Tableau de bord touffu • Silhouette en quête d’une personnalité • Coffre à bagages décevant
Nouveautés en 2005
•Version Sport discontinuée, avant et arrière redessinés, transmission automatique à 5 rapports recalibrée, nouvelles couleurs extérieures et intérieures
2e opinion Benoit Charette
• Les gens qui sont prêts à payer plus de 80 000 $ pour un véhicule aiment profiter d’un certain panache. Alors que les statistiques démontrent que les ventes d’Infiniti augmentent graduellement depuis quelques années, c’est tout le contraire pour la Q45. Seulement 25 personnes au Québec ont eu l’idée de s’en procurer une en 2003 ; ce chiffre était de 109 en 2001. Pourquoi cette baisse ? Cela s’explique par un manque de charisme généralisé. Même le remodelage de 2005 avec son nouveau capot et ses retouches à l’habitacle ne réussira pas à convaincre qui que ce soit. À mon avis, il faut repenser le concept pour sortir cette grande berline d’une torpeur qui l’accable depuis plus de dix ans.