La métamorphose du chat
Par : Michel Crépault
La XF a remplacé la S-Type, deux berlines chargées de la même mission : relancer la marque du fauve sur la voie du succès. Alors que la S-Type s'y est essentiellement prise en s'accrochant à la tradition, la XF se débarrasse d'une bonne partie de ce passé qui, bien que glorieux, commençait à sérieuement ralentir la marche vers le futur.
Carrosserie
Que la XF ne rappelle pas la S-Type, on s'en félicite. Cette dernière avait une roue dans l'enflure bourgeoise et une autre dans la redite. Ironiquement, la XF, aussi belle soit-elle, dégage aussi un air de déjà-vu. Je pense à la famille Aston-Martin. Et on ne s'en étonne guère quand on réalise que Ian Callum, styliste en chef, a également signé la DB7 et la Jaguar XK8. Alors, oui, la XF, une berline déguisée en coupé, affiche une gueule séduisante, mais M. Callum a-t-il d'autres coups de crayon dans son étui ? Je veux bien qu'Astérix et Obélix se ressemblent d'album en album mais, dans l'industrie de l'automobile, le calque à répétition me rappelle surtout le clan des Schtroumpfs. Cela dit, chapeau au capot strié de muscles, à la calandre au motif maillé et aux ouïes sur les flancs. Luxe, Luxe Premium et Supercharged sont les trois versions offertes, et seuls les jantes et un écusson peuvent différencier l'une de l'autre. Le coefficient de traînée (Cx) affiche un magnifique 0,29, et la fluidité de la caisse se traduit par l'absence de bruissement éolien quand la machine fend l'air.
Habitacle
Si la silhouette de la XF a eu le courage de malmener la tradition Jaguar, son intérieur n'est pas en reste avec un changement de style draconien. Alors que Jaguar rimait d'habitude avec boiseries et chrome dans un esprit vieillot, la XF embrasse le 21e siècle. Un fini en aluminium mat très techno dispute les surfaces à un bois (quand même !) sobre. Les cadrans stylisés baignent dans une tendre lumière bleutée qui ne fatigue pas les yeux la nuit. L'écran tactile s'utilise avec délice ou alors, pour mon iPod connecté à la sono grâce au câble dissimulé dans l'accoudoir central, je changeais les pièces musicales à l'aide des interrupteurs montés au volant. Au démarrage, la clef dans notre poche, les quatre buses d'aération, jusque-là invisibles, pivotent dramatiquement sur elles-mêmes pour pulser leur air chaud ou froid. Choc et chic. En même temps, dans la console centrale, se soulève une grosse mollette. Ah non, pas un autre de ces iDrive incompréhensibles pour contrôler 1001 fonctions ? Je me calme le pompon : il s'agit plutôt du sélecteur de la boîte de vitesses ! On tourne le gros bouton et c'est la joie. Bien que la XF n'ait rien gardé de la S (dixit Jaguar), les deux partagent néanmoins un empattement identique. Le plongeon radical du pavillon vers la lunette oblige les grandes personnes aux articulations ankylosées (lire : mon papa) à se contorsionner pour s'installer sur le siège avant, au demeurant confortable. L'angle aigue du pare-brise reprend celui de la XK. Sur la banquette, si le passager avant n'exagère pas avec son dossier, le dégagement est décent, même pour la tête. En revanche, l'enfant au centre devra chevaucher le tunnel de transmission. La XF offre également un coffre qui avoisine le caverneux et plus encore quand on rabat les sections (60/40) du dossier. La faible hauteur du passage limitera toutefois le genre d'objets à transporter.
Mécanique
Deux V8 de 4,2 litres à 4 soupapes par cylindre, l'un atmosphérique de 300 chevaux, l'autre auquel on a greffé un compresseur pour lui extirper 420 chevaux. La sonorité est agréable, bien qu'étouffée par la ouate du cockpit. La consommation n'est pas drôle avec la Supercharged. En revanche, ses accélérations, quasiment démentes, nous titillent le pied droit. Les 6 rapports de la boîte automatique s'activent au moyen de leviers de sélection montés au volant mais, comme c'est souvent le cas à bord des véhicules axés sur le confort, on se lasse rapidement de ce gadget. Le V8 atmosphérique utilise un système de suspension passif, alors que la version suralimentée a recours a une suspension active à gestion électronique, empruntée à la XK. Le secret : des amortisseurs qui s'adaptent en l'espace de millisecondes aux conditions de la route (ou aux talents du pilote). La XF foisonne d'assistants besogneux : aides au freinage (répartition, urgence, en virage et ABS), antipatinage, contrôle dynamique de la stabilité et, pour la première fois, un bidule pour contrecarrer le sous virage : il jongle avec le moteur et les freins pour ralentir l'auto et ainsi maximiser l'adhérence aux roues avant.
Comportement
La puissance, souple et quasi linéaire (le compresseur accuse un infime délai), donne des ailes à l'auto qui se meut avec une relative aisance malgré son poids. La JaguarDrive (vous ne pensiez tout de même pas que le constructeur allait laisser jaillir sa jolie tourelle rotative sans la baptiser !) peut être positionnée en mode Sport ou Hiver. Du freinage et du confort à bord, rien à redire. Et je ne vous ai pas encore parlé du bidule JaguarSense (un autre copyright !) qui, à l'aide du simple effleurement d'un œil magique à peine visible, ouvre la boîte à gants ou l'éclairage au plafond. Charming ! Par contre, côté suspension… À mon avis, les ingénieurs de la XF auraient pu concocter une liaison avec le sol plus digne d'une jaguar. J'imagine l'animal en train de bander ses muscles puis de gagner de la vitesse avec un savant mélange de puissance et de souplesse. Un athlète de la jungle. Dans le cas de la machine, le mimétisme ne s'est pas complètement opéré. Sur mauvaise chaussée, j'ai reconnu derrière le volant la fâcheuse habitude de Jaguar à séparer les réactions des amortisseurs du châssis, comme si les composants ne communiquaient pas toujours entre eux (à moins que le calibrage adaptif soit en cause ?). Tellement d'autres sociétés sont pourtant capables d'y arriver (plusieurs étant allemandes); il ne manque qu'un petit cours d'espionnage 101 pour transformer la XF en athlète de la route. Remarquez, elle n'est pas lambine pour autant. Le modèle V8 atmosphérique passe de 0 à 100 km/h en 6,2 secondes, et sa vitesse de pointe a été limitée à 195 km/h. Dans le cas de la XF suralimentée : chrono de 5 secondes et des poussières ainsi qu'une vitesse maximale gelée à 250 km/h.
Conclusion
La XF est jolie, et son intérieur, inspirant. Je m'attendais à plus d'homogénéité dans les performances et la personnalit&ea