Les hauts et les bas de l'anonymat
Par Philippe Laguë
Malgré un prix inférieur à celui de ses rivales et une qualité tout à fait comparable, la plus cossue des Acura se vend au compte-gouttes. Mais il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures pour trouver les raisons de ce bide commercial : il suffit de la regarder, puis de la conduire…
Carrosserie
D’abord, cette berline de luxe souffre d'un cruel problème d'image. Les stylistes qui ont accouché de lignes aussi fades méritent le fouet, que dis-je, le donjon ! La 3.5RL, c'est une pizza sans garniture, un hot dog sans condiment… Inodore, incolore et sans saveur. Triste.
Habitacle
Avec une parure aussi terne, on s’attend au pire en pénétrant à bord. Or, il n'en est rien. L’habitacle de la 3.5RL est une réussite, tant aux plans esthétique et ergonomique que de l’habitabilité. C’est spacieux là-dedans, mes amis, à tel point qu’on peut y installer une ligne d’attaque complète de basket-ball – et j’exagère à peine. Vaste serait le qualificatif approprié. Pratique, aussi : au tableau de bord, les immenses cadrans sont de lecture facile, toutes les commandes sont à portée de la main, et les espaces de rangement abondent. Ajoutez à cela un coffre caverneux. Quant aux sièges, enrobés d’un cuir dont la texture respire la qualité, le terme fauteuil leur sied parfaitement. Cerise sur le gâteau, la présentation intérieure est du meilleur goût, avec une petite touche d’originalité en sus. Seule note discordante, certains accessoires Honda subsistent, comme les leviers de chaque côté du volant ou, encore, les interrupteurs servant à actionner le verrouillage central, les mêmes que dans l’Accord ou la Civic. Un détail, je le concède, mais dans une automobile de ce prix, admettez que pareilles économies de bouts de chandelles n’ont pas leur place.
Mécanique
Comme l’indique le chiffre des désignations alphanumériques d’Acura, la cylindrée de ce V6 est de 3,5 litres, sa puissance maximale, de 225 chevaux et son couple, de 224 lb-pi, et cela, à un régime exceptionnellement bas de 2800 tr/min. Joli tour de force pour un moteur multisoupape, cette solution favorisant, en règle générale, le rendement à haut régime. Pour parvenir à un tel résultat, on a doté ce V6 tout en aluminium à simple arbre à cames en tête d’un système d’admission variable triple étage qui maximise la puissance à tous les régimes. Une version optimisée, en somme, du système VTEC exclusif à Honda. Ce petit chef-d’œuvre de technologie tient ses promesses à tous les chapitres, assurant une réponse immédiate, peu importe le régime moteur, tout en étant d’une discrétion monacale. Au strict plan de la performance, les chiffres ne sont pas bouleversants, mais ce V6 est d’une douceur et d’une souplesse qui n’ont rien à envier aux meilleures mécaniques des voitures de prestige, qu’elles soient européennes, japonaises ou américaines. Le hic, c'est qu'il manque cruellement de tempérament. Ce qui est à tout à fait cohérent avec le reste…
Comportement
Le même commentaire pourrait s’appliquer au comportement de cette berline de luxe, qui privilégie le confort avant tout. Sa conduite n’a rien d’électrisant, elle est même plutôt ennuyeuse; et ceux qui recherchent des sensations fortes devront regarder ailleurs. Vous voilà avertis ! Sur un tracé sinueux, la RL ne se débrouille pas si mal, compte tenu de ses dimensions et de son poids, mais ses réactions n’inspirent guère la conduite sportive : on la sent lourde, pataude, et c’est malheureusement tout ce qu’on ressent puisque la direction et la suspension filtrent toute sensation. Une conduite aseptisée, c’est cela. Mais pour être confortable, c’est confortable : l’insonorisation a de quoi impressionner, et la suspension à double levier triangulé a été configurée afin de maximiser la douceur de roulement. Pour décrire la 3.5RL en un mot, on pourrait dire qu’il s’agit d’une voiture fluide : accélérations, passages des rapports, freinage, maniement du volant, c’est le règne de la douceur dans toute sa quintessence. On adore ou on déteste.
Conclusion
La carrière de la 3.5RL tire à sa fin, et personne ne s'en plaindra, pour la bonne et simple raison que personne ne s'en rendra compte ! Plus sérieusement, une refonte majeure est imminente, refonte qui devrait permettre à cette berline rapide, confortable et fiable mais, hélas, trop fade, de faire jeu égal avec ses compatriotes, Lexus et Infiniti. C'est, du moins, la grâce qu'on lui souhaite.
Forces
Son vaste habitacle Le silence et la douceur de roulement Une fiabilité exemplaire Son prix concurrentiel
Faiblesses
Sa silhouette anonyme Certains accessoires bon marché Le manque de tempérament Un modèle en fin de carrière
Nouveautés
Aucun changement majeur
Benoit Charette 2e opinion
Voiture de curé moderne recherche ecclésiastique fortuné. Voilà le genre de définition qui collerait bien à la RL. Tout sur cette voiture transpire la discrétion. Des lignes effacées aux performances feutrées sans oublier la conduite aseptisée. Il ne faut pas s’y méprendre, la RL demeure une voiture fort intéressante, mais face à la forte concurrence d’outre-Rhin, elle a l’air du petit orphelin qu’on a abandonné à son sort. Les acheteurs prêts à débourser plus de 50 000 $ sur une voiture veulent autre chose qu’une Honda Accord surdimensionnée. Cela explique en grande partie pourquoi une soixantaine de RL seulement trouve preneur chaque année au Québec. Un peu d’exotisme serait apprécié.