Même l'exotisme peut faner
Par Michel Crépault
À son lancement en 1991, je me serais couché sur l'asphalte si cela avait été le seul moyen d'approcher une NSX tellement je la trouvais belle. Quand j'ai eu la chance inouïe d'en conduire une, je m'en confesse, j'ai joui. Puis les année ont passé…
Carrosserie
Elle est encore jolie. Et si peu retouchée au fil des ans: l'addition d'un panneau de toit escamotable (qui se manipule mieux à deux que seul), de même que l'abandon des phares escamotables en 2002. Les designers ont réussi du premier coup à sculpter une coque en aluminium qui transpire l'exotisme de tous ses panneaux. La copie d'une Italienne, diront ses détracteurs; fortement inspirée de Ferrari, sans doute; et pourquoi pas, tous les manufacturiers sans exception dépeçant sans cesse les modèles rivaux pour y puiser de meilleures idées. De toutes façons, au cours de la dernière décennie, la NSX a assis son look. Il est bien à lui. Le quidam peu renseigné sera seulement surpris d'apprendre que pareille merveille à quatre roues sort d'un atelier nippon, lequel ne modifiera en rien le modèle 2003 puisque la NSX fera peau neuve en 2004.
Mécanique
Un V6 en aluminium de 3,2L à double arbre à cames en tête et 24 soupapes parvient à cracher 290 chevaux lorsqu'il est attaché à la boîte manuelle 6 vitesses. Lorsqu'on choisit la transmission automatique 4 rapports SportShift (une hérésie, quant à moi), on fait chuter la puissance à 252 CV (et le plaisir de moitié). Dès leur naissance, ces engins ont brillé au plan de la technologie, le calage variable des soupapes le disputant à un système d'injection emprunté à la F1. En 2004, la NSX hébergera un V8.
Comportement
Outre le look, la tenue de route se veut l'autre point fort de la NSX. Il faut être bêtement malhabile ou imprudent pour la prendre en défaut. En ligne droite, elle file comme une flèche de Robin des Bois. Dans les virages, elle exulte, elle se prend pour une ventouse. Pas besoin d'avoir recours à la pléiade d'assistances électroniques qui font à peu près tout à la place du conducteur à bord d'autres voitures performantes car la NSX est naturellement à l'aise quand elle va vite. Elle s'empresse de communiquer au pilote l'état de la chaussée et les conséquences de ses réflexes au volant. Nous sommes assis très bas, comme dans un go-kart, tandis que le moteur à position centrale (derrière soi) induit un centre de gravité idéal. Le pilote sait tout de suite ce qu'il a à faire parce que la NSX n'arrête pas de lui parler. Elle peut même être passablement bavarde sur chemin crevassé à cause de sa suspension sèche. En revanche, l'aisance avec laquelle la NSX expédie les situations les plus extrêmes nous rend confortable d'une autre manière.
Habitacle
C'est ici que le bât blesse : l'intérieur de la NSX exige une solide cure de rajeunissement. Pour le moment, il est suranné et incomplet. Le cuir à grosses coutures qui tapisse l'ensemble du cockpit nous ramène 10 ans en arrière, peut-être même jusqu'à Saturday Night Fever. Pour chasser ces formes archaïques, les stylistes se doivent d'étudier l'intérieur d'une TT, d'une Mini ou de la nouvelle Z pour se rendre compte qu'ils ont du métal brossé, du titane, du magnésium et que sais-je encore pour rescaper cet intérieur disco. Pour ajouter l'insulte à l'injure: un tableau de bord seulement muni d'un lecteur de cassette! Pourquoi pas un "8 track" tant qu'à y être! Si je m'apprête à débourser 140 000$, je veux de la techno et du dernier cri en masse! Je n'ai que faire de cette clef que je dois absolument insérer dans la serrure pour déverrouiller la portière. Où est ma télécommande? Mon ordinateur de bord? Mon système de navigation?
Conclusion
Elle est encore très sensuelle. Elle se laisse conduire avec une prestance diabolique. Mais son habitacle et ses accessoires sont désuets. Je n'arriverai pas à convaincre mon banquier tant que je ne serai pas moi-même convaincu d'être assis dans un intérieur digne de cette divine chose.
Forces
Silhouette encore frappante
Tenue de route savoureuse
Faiblesses
Habitacle périmé
Absence d'accessoires
Deuxième avis : Philippe Laguë
En voilà une qui a bien mal vieilli… Un peu plus de dix ans après sa sortie, celle qui avait été surnommée " la Ferrari japonaise " est maintenant complètement dépassée. Certes, sa silhouette spectaculaire fait encore tourner les têtes, mais c'est bien le seul terrain où elle peut rivaliser avec ses concurrentes. Certains petits détails agacent, quand ils ne sont pas carrément inexcusables : l'absence d'un lecteur CD ainsi que la pénurie d'espaces de rangement à l'intérieur. Mais surtout, elle ne vaut jamais 140 000 $. À ce prix-là, vous avez deux Corvette ! " Ça ne se compare pas ! ", diront certains; je leur suggère de les conduire toutes les deux avant de se prononcer… Et quand vient le temps de rivaliser avec des rivales aussi prestigieuses que les Porsche 911 et Ferrari Modena, la NSX ne fait tout simplement pas le poids.