Le chaînon manquant
Par Michel Crépault
Si la firme de Weissach s’est risquée à investir des milliards de marks dans un nouveau fleuron, c’est après avoir acquis la certitude que la Panamera allait tenter les clients avec quelque chose que Porsche n’offrait pas encore : une berline.
Les fidèles de la marque disposent déjà de bolides qui n’apprécient guère les groupes excédant deux personnes (la banquette d’une 911 sert surtout de rite de passage aux candidats du Cirque du Soleil) et d’un utilitaire aussi athlétique que féroce sous les traits du Cayenne. La Panamera vient fournir une nouvelle alternative, enrobée de l’allure Porsche, pétrie de l’ingénierie Porsche et insufflée de l’âme Porsche. Le résultat ne peut pas ressembler à une Buick.
Carrosserie
Qui dit quatre occupants espère aussitôt une cabine spacieuse. De fait, la Panamera est très large (193,1 centimètres), une largeur qui favorisera la tenue de route. Une berline signée Porsche doit aussi présenter un pavillon bas, question de silhouette et, encore, de comportement. Ici aussi, l’auto ne déçoit pas avec une hauteur inférieure à la moyenne des berlines.
Ajoutez-y une longueur de 497 centimètres, et ces mensurations ont permis au styliste en chef Michael Mauer de perpétuer la personnalité emblématique que Porsche a raffinée sur ses autres modèles. Quel plus grand triomphe pour un styliste que d’accoucher d’une auto qui, au premier coup d’œil, révèle son historique ?
À l’instar des autres membres de la famille, la calandre traditionnelle a cédé sa place à d’imposantes prises d’air. Le long nez flanqué d’ailes saillantes rappelle immanquablement la 911. Le muscle est abondant. Il était écrit dans le ciel que Porsche dessinerait une berline qui tiendrait du coupé.
Seule la partie arrière prête à la controverse. L’inclusion d’un hayon rend l’auto très pratique, mais a gonflé cette section. La croupe elle-même est encombrée de détails, au point que des personnes feraient disparaître les badges pour simplifier l’allure, alors que d’autres, au contraire, apprécient l’aspect rétro de l’ensemble.
Une chose est certaine : contraint de créer du neuf avec des gènes connus, le styliste a signé une œuvre mobile qui, sans arracher des ébahissements, ne jure pas avec le reste de l’écurie.
Habitacle
Ceux qui ont déjà eu la chance de s’asseoir dans une 911 ou une Boxster ont constaté le confort enveloppant des baquets, conjugué à l’étroitesse de la cabine. À bord de la Panamera, les stylistes se sont ingéniés à reproduire cet effet de cocon pour chacune des quatre places, tout en maximisant le dégagement. Parce que la console centrale parcourt le poste de pilotage du tableau de bord à l’arrière, les quatre places très seyantes deviennent autant de nacelles individuelles.
Malgré le toit abaissé, pour que l’auto ressemble plus à une GT qu’à un Sprinter, les occupants héritent d’un espace que je qualifie d’exceptionnel, et ce, sans que ne s’évapore la sensation du coupé sportif. Le conducteur ne se sent pas au volant d’une berline ordinaire, tandis que ses passagers ont de l’espace à revendre.
Porsche ne croit pas à la mollette miracle qui règle 1001 fonctions. Utilisation pas assez intuitive. La Panamera déborde d’interrupteurs mais ils sont si bien placés qu’on a envie de tous les pianoter. Alors que les autres intérieurs Porsche pêchent par leur austérité, celui de la berline brille d’une ergonomie techno mais élégante.
Les sièges avant sont dotés de multiples réglages à mémoire. Si ça ne suffit pas, il existe une option pour les doter de 18 réglages possibles, de même que huit à l’arrière. J’ai littéralement transformé le siège du passager avant en couchette, alors que les places arrière nous donnent l’impression de voyager dans la classe affaires d’une ligne aérienne.
Pour le plaisir des oreilles, le spécialiste de l’ambiophonie haut de gamme Burmester, basé à Berlin, a concocté pour la Panamera une sono facultative comprenant rien de moins que 16 haut-parleurs et un caisson d’extrêmes graves, pour une puissance totale de plus de 1 000 watts. Plus besoin d’attendre qu’AC/DC envahisse le Stade olympique pour devenir sourd !
Le coffre offre au naturel de l’espace pour quatre valises positionnée à la verticale. En un mot, il est caverneux. Rabattez les sièges arrière, et la capacité de 445 litres passe à 1250; ou on peut se contenter de rabattre la section centrale du dossier afin d’accéder à la soute par une trappe.
Mécanique
Pour l’instant, la Panamera est offerte avec un duo de V8 de 4,8 litres (celui du Cayenne), tous deux armés de l’injection directe. Celui de la S développe 400 chevaux pour boucler le 0 à 100 km/h en 5,4 secondes et atteindre une vitesse de pointe de 283 km/h. La 4S héberge la même motorisation, mais sa transmission intégrale ramène le 0 à 100 km/h à exactement 5 secondes. Enfin, la Turbo, comme son nom le suggère, ajoute deux turbos pour obtenir 500 chevaux. Son chrono à elle : 4,2 secondes et une vitesse de pointe de 303 km/h. Plus tard, possiblement en 2010, Porsche offrira des V6 à partir de 300 chevaux et une boîte de vitesses manuelle à 6 rapports (déjà offerte en Europe). Le constructeur travaille aussi sur une Panamera hybride…
Il fallait s’y attendre : la boîte de vitesses à double embrayage PDK (acronyme de Doppelkupplungsgetriebe – à dire rapidement la bouche pleine de choucroute !) à 7 rapports, d’abord introduite dans la dernière 911, équipe la Panamera. Outre le fait que cette boîte réussit des changements de rapports plus rapidement que Superman, la consommation de carburant s’en trouve paradoxalement améliorée.
La fonction d’arrêt-départ se révèle le premier système de coupure et de démarrage automatique du moteur sur une voiture de luxe à boîte automatique. Roulez en 7e, profitez de l’arrêt-départ et des pneus à faible résistance au roulement et la Panamera S consomme moins de 11 litres aux 100 kilomètres.
Porsche égalant sport et grand tourisme impliquant confort, comment concilier ces deux vertus en apparence contradictoires ? En équipant la Panamera d’une suspension adaptive PASM. Son interrupteur vous permet de passer de la balade à l’attaque instantanément. À ne pas confondre avec la suspension pneumatique adaptative qui augmente le volume d’air dans les amortisseurs selon l’état de la chaussée (de série sur la Turbo, livrable sur les autres). Ce gadget raffine encore plus les degrés de tendresse ou de fermeté qui vous combleront de bonheur.
Comportement
Vous disposez donc d’une suspension adaptive, laquelle peut devenir encore meilleure avec une touche pneumatique; vous contrôlez la stabilité; vous pouvez aussi dire à la bagnole que, ce matin, vous avez envie de gagner un grand prix. Pour mettre toutes les chances de votre côté, vous aurez coché l’option Sports Chrono. En effleurant le bon bouton, le kit programme immédiatement tous les organes mécaniques en mode haute performance, y compris la transmission intégrale permanente (de série sur la 4S et la Turbo).
La différence est instantanément notable. Sur le mode ordinaire, la Panamera se permet un léger laisser-aller. Le châssis en entier ondule au gré des imperfections du chemin. Mais raffermissez-moi tout ça, et la machine au complet n’accepte plus d’ordres de la route. C’est elle qui les donne. Les rapports de la PDK, déjà précis, deviennent chirurgicaux; la suspension répond au lieu de seulement encaisser. Vous dominez la route, c’est aussi simple que ça.
À bord de la Turbo, ce sentiment repousse votre confiance aux limites de l’impertinence. Les autres voitures deviennent des petits points dans votre rétroviseur en claquant des doigts, tandis que la transmission intégrale fournit une arrogance supplémentaire. Morale : à utiliser avec beaucoup de prudence. Heureusement que vous aurez choisi la Panamera pour amener les enfants à l’école.
L’aileron arrière n’est pas qu’un appendice dorsal décoratif. Il s’élève de lui-même à partir de 120 km/h (et même davantage à 210 km/h…) ou on peut le déployer soi-même. Bon, ce faisant, c’est vrai qu’on épate la galerie, mais, croyez-moi, Porsche y voit davantage que de l’esbrouffe. Sur le modèle Turbo, le pilote a même la possibilité de faire varier la position de l’aileron pour modifier les forces au sol. Je ne dis pas que ça changera votre façon de faire votre épicerie, mais, à fond de train sur un circuit fermé, chaque détail compte.
La sonorité de cette Porsche ? Comme le reste, il épouse votre humeur. Filez à vitesse de croisière lors d’une balade sans histoires, et la Panamera se montre telle la voiture de luxe qu’elle est. Enfoncez l’accélérateur et vous retrouvez le chant rauque de Porsche, ce qu’est aussi une Panamera.
Conclusion
Le fabricant avait présenté en 1984 une 928 à 4 portières à Ferry Porsche pour ses 75 ans. La seule jamais construite. L’attente depuis fut longue mais valait la peine. La Panamera comble une lacune dans le catalogue, et les futurs propriétaires viennent de trouver l’argument idéal pour acquérir une Porsche sans être accusés de négliger la famille.
Forces
Une nouvelle Porsche est un événement en soi.
L’option Sports Chrono améliore réellement la tenue de route.
Habitacle qui invite aux longs trajets
Faiblesses
On doit activer la fonction d’arrêt-départ (en Europe, elle embarque au démarrage).
Le pilier A très épais complique la conduite sportive.
Un seul porte-gobelet à l’arrière…
Nouveautés en 2010
Tout nouveau modèle