Loin de la coupe aux lèvres
Par Philippe Laguë
Depuis 25 ans, minimum, les constructeurs américains nous promettent une berline de luxe capable de faire jeu égal avec les meilleures européennes. Et depuis 25 ans, minimum, les flops se succèdent… La Lincoln LS est cependant celle qui, jusqu’ici, s’est le plus rapprochée de cet idéal. Mais on est encore loin de la coupe aux lèvres.
Carrosserie
Avec la LS, Lincoln voulait ébranler la suprématie de la Sainte Trinité allemande (Audi-BMW-Mercedes). On a donc eu recours aux services d’un styliste d’origine germanique, Helmut Schrader, pour la dessiner. Ce dernier a joué la carte de la sobriété en dotant cette berline de luxe de format intermédiaire d’une ligne classique. Il faut croire que cette approche était la bonne : cinq ans après son introduction, la Lincoln LS demeure toujours aussi élégante.
Habitacle
Ah, ces Américains ! On ne les refera pas… Ils ont encore des croûtes à manger avant d’égaler les standards japonais et allemands en matière de finition et de qualité d’assemblage. La LS illustre bien le mal qui afflige trop souvent les créations de Detroit. Au premier coup d’œil, la présentation intérieure respire l’opulence, mais un examen plus approfondi permet de constater la présence – dans la console centrale, notamment – de certains plastiques de qualité douteuse qui n’ont pas leur place dans une voiture de cette classe. Dommage, car l’équipement de série est étoffé, particulièrement dans les versions V8 et V6 Sport, tandis que l’ergonomie ne montre aucune faille. De plus, l’habitacle est spacieux et les sièges sont aussi confortables à l’avant qu’à l’arrière. L’isolation pourrait cependant être meilleure, car on perçoit très bien les bruits de roulement, et ceux-ci deviennent envahissants si le revêtement est accidenté. En pleine vague de chaleur, la climatisation ne m’a guère impressionné non plus.
Mécanique
Avec la berline LS, Lincoln voulait séduire des acheteurs plus jeunes, attirés par les berlines de luxe importées. Pourtant, un brillant stratège n’a rien trouvé de mieux à faire que de supprimer l’excellente boîte manuelle qui était offerte avec le V6. Vous avez dit paradoxal ? Cette décision est d’autant plus regrettable que la boîte automatique à cinq rapports constitue l’un des principaux handicaps de cette berline face à ses concurrentes. À la fois lente et caractérielle, cette transmission se montre aussi désagréable en mode automatique qu’en mode séquentiel, avec des changements de rapports souvent brusques. En mode automatique, la moindre poussée sur l’accélérateur occasionne de soudaines montées en régime, mais cela se fait de façon intermittente. En un mot, c’est l’horreur. Tant le V6 de 4,6 litres (232 chevaux) que le V8 de 3,9 litres (280 chevaux) méritent mieux, particulièrement le V8, aussi raffiné que performant. Pour compléter le gâchis, il y a cet accélérateur spongieux qui n’arrange guère les choses. Le freinage a également droit à des reproches, car il manque de mordant. Rien à voir avec celui d’une allemande. Terminons sur une bonne note en soulignant la précision de la direction.
Comportement
Lors de l’introduction de la LS il y a cinq ans, on se pétait les bretelles, dans la documentation de presse de Lincoln, de la collaboration d’ingénieurs de course automobile (Benetton, Newman-Haas) dans l’élaboration de la suspension à bras asymétriques. La belle affaire ! Encore une fois, la déception est au rendez-vous : le comportement de cette berline est tout, sauf sportif. La faute est due à un amortissement beaucoup trop souple qui occasionne un débattement important. Encore une fois, le potentiel est là, mais on n’a pas su l’exploiter. La LS repose en effet sur un excellent châssis, comme le prouve sa tenue de route très sûre. Mais il faudrait inclure dans le catalogue une version plus sportive, comme Cadillac s’apprête à le faire avec la CTS V.
Conclusion
Malgré d’indéniables qualités et un prix très concurrentiel, la Lincoln LS n’a pas ce qu’il faut pour faire trembler les Audi A6, BMW Série 5 et Mercedes Classe E. Mais il faut bien admettre que c’est ce que les Américains ont fait de mieux comme berline de luxe intermédiaire à ce jour.
Forces
Silhouette élégante Habitacle spacieux Bon duo de moteurs Direction précise Prix concurrentiel
Faiblesses
Finition décevante Boîte automatique caractérielle Pas de boîte manuelle Accélérateur spongieux Suspension trop souple
Nouveautés
Aucun changement majeur
Nadine Filion 2e opinion
C’est sur Sunset Boulevard, à Hollywood, qu’il m’a été donné de faire l’essai de la Lincoln LS. Aux côtés de la horde d’utilitaires tous plus gros les uns que les autres et étrangement si populaires chez ceux qui ne connaissent même pas les affres de l’hiver, la Lincoln LS faisait presque miniature. Par contre, elle a su se montrer noble et distinguée. La puissance était au rendez-vous, et le comportement sur la route tout en douceur n’a jamais failli sur le célèbre boulevard long de 42 kilomètres. Ne manquait qu’une chose : le chauffeur…