La limo méconnue
Par : Michel Crépault
Créée il y a une dizaine d'années aux États-Unis pour écouler des modèles prestigieux, Infiniti n'a pas obtenu le succès de Lexus, fondée au même moment et dans le même but par Toyota. La faute en incombe à une philosophie vague et à des modèles trop peu différents de Nissan. Cette Q45 est la première des nouvelles Infiniti à tenter d'effacer un passé mitigé.
Carrosserie
Infiniti a placé la Q45 en tête du peloton dans la course à l'espace intérieur, à la puissance et au confort. Mais pourquoi les patrons n'ont-ils pas aussi demandé à leurs stylistes d'exécuter une présentation extérieure hors de l'ordinaire ? Les panneaux de cette Q45 semblent avoir été empruntés à divers modèles : la calandre d'une Ford Taurus, les phares arrière d'une Audi A6 et le postérieur d'une ancienne classe S de Mercedes. La silhouette est dominée par des yeux qui utilisent la technologie HID (High Intensity Discharge). Le phare principal est composé de sept lentilles (l'allure rappelle les anciennes mitrailleuses utilisées entre Mexicains et gringos). L'éclairage est effectivement supérieur aux autres technologies, y compris le xénon. Pour le reste, la Q45 ressemble à une belle et longue voiture, mais sans grande personnalité. Pour 2003, le modèle Luxe s'appellera dorénavant Sport, tandis que la version Privilège demeure.
Mécanique
Sous le capot sommeille un V8 de 4,5 litres dérivé du V6 des Maxima, Pathfinder et Altima. Ce moteur en aluminium développe davantage de puissance que l'ancien V8 de 4,1 litres; en effet, la cavalerie passe de 266 à 340 chevaux ! Cette mécanique est associée à une nouvelle boîte automatique à cinq rapports. Les nouvelles suspensions indépendantes aux quatre roues utilisent de façon importante l'aluminium pour réduire les masses. Des systèmes de contrôle de la traction et de la trajectoire (type ESP) viennent renforcer le travail du dispositif de freinage. La Q45 est munie de roues de 17 ou de 18 pouces (version Privilège).
Comportement
Il n'est peut-être pas remarquable sur le plan visuel, mais force est d'admettre que le vaisseau amiral d'Infiniti se démarque au fil des kilomètres passés derrière son volant. Son énergique et très civilisé V8 lui permet de boucler le 0 à 100 km/h en quelque 6 secondes. Cet élan irrésistible survient comme par enchantement, sans l'ombre d'un effort apparent. Au lieu de dormir sur leurs lauriers, les ingénieurs ont modifié les ratios de la boîte de vitesses afin d'améliorer les accélérations et les reprises. La Q45 fait preuve d'une souplesse et d'une douceur qui rappellent Lexus. Par contre, si on reprochait dans le passé à la division luxe de Toyota de nous offrir des véhicules trop aseptisés au point d'en être soporifiques (les nouvelles Lexus sont plus vivantes), l'Infiniti ne risque pas de vous endormir avec une suspension qui vous rappelle constamment à l'ordre. En deux mots, elle n'est pas à la hauteur des prouesses de la mécanique et pèche par sa trop grande mollesse. En ligne droite, ça va, pour autant que ne se multiplient pas les joints de dilatation dans la chaussée; alors là, bonjour la trampoline. Dans les virages, la voiture se cabre trop. La Q45 en version Privilège – avec son réglage sport et ses pneus plus gros – se tire mieux d'affaires. Le freinage est puissant mais, à priori, un peu trop spongieux.
Habitacle
L'intérieur, particulièrement intéressant, présente une console centrale dégagée, très différente de ce que signe habituellement Infiniti; toutes les commandes sont repositionnées vers le haut, à la hauteur des compteurs. Pour 2003, Infiniti ajoute des gâteries : un compas, un changeur de 6 CD qui quitte la boîte à gants pour le tableau de bord (en revanche, le lecteur de cassettes prend le chemin de la boîte à gants), un système de navigation (en option dans la Sport, de série dans la Privilège). Je souligne également les sièges arrière à réglage électrique et, surtout, la caméra (au-dessus de la plaque d'immatriculation) qui s'active quand la marche arrière est enclenchée ! Ne pas oublier la commande vocale pour programmer la radio, l'air climatisé, le téléphone et le lecteur de CD. Pour l'instant, on ne peut converser qu'en anglais avec l'auto, mais Nissan nous promet le français pour bientôt. Et si votre anglais n'est pas parfait, no problemo puisque la machine s'ajuste d'elle-même à votre accent ! En bref, il n'y a à peu près que le chauffeur qui fasse partie des options.
Conclusion
Infiniti est sur la bonne voie. Les succès récents de la superbe G35 le prouvent. Dans le cas de la Q45, les techniciens ont finalement mis l'accent sur l'intérieur, une véritable salle de concert doublée d'un laboratoire roulant. Les performances sont superbes mais servies par une suspension qui gagnerait à être moins américanisée. Quant à la silhouette de la Q45, on s'accorde à dire que tous les goûts sont dans la nature, y compris celui d'aimer les voitures à l'allure tranquille. Peut-être même que les patrons préfèrent se garer dans le stationnement des employés avec une auto qui n'attire pas l'attention.
Forces
V8 soyeux
Habitacle avant-gardiste
Faiblesses
Carrosserie quelconque
Suspension trop américanisée
Deuxième avis
La Q45 se cherche une image depuis son lancement il y a plus de 10 ans. Elle est passée par tous les styles sans jamais trouver le sien et c'est probablement là son plus grand handicap. Les gens bien nantis qui sont prêts à débourser plus de 75 000 $ pour un véhicule le font a priori pour l'image. Si une compagnie cherche son image, elle cherche du même coup une clientèle. C'est ce qui explique en partie pourquoi la Q45 a tant de mal à trouver sa clientèle, un manque de charisme évident fait ombrage à toutes les bonnes choses de cette voiture, comme la mécanique souple et puissante de 340 chevaux et l'intérieur très bien dessiné. La barre est très haute dans ce segment de marché, et personne ne peut se permettre de rater la cible.