Du réchauffé tiède
Par Pascal Boissé
La Ford Focus doit une fière chandelle aux hausses vertigineuses du prix du carburant qu'on a observées au cours de l'année 2008. Dans ce contexte, les acheteurs se sont rués sur les petites voitures, n'importe quelle petite voiture, les bonnes et les moins bonnes. Car la Focus est loin d'être concurrentielle dans ce segment, que ce soit pour ses prix élevés ou pour ses prestations dépassées. N'ayant rien à voir avec la fantastique nouvelle Focus, offerte uniquement en Europe, le modèle nord-américain n'est qu'une deuxième refonte – une de trop – de la première Focus arrivée chez nous en 1999.
Carrosserie
Difficile de comprendre la disparition des versions à hayon, à trois ou à cinq portes, ou, encore, de la familiale, toujours très populaire auprès des acheteurs québécois. A l'instar de ce qu'a fait Honda avec sa Civic, Ford n'a conservé que deux berlines dans la gamme : une quatre-portes et un coupé à deux portes, ce qui nous ramène au bon vieux temps de la Ford Escort. Pour empirer les choses, on a défiguré la voiture avec une calandre hideuse, et certaines versions ont même droit à une imitation de prise d'air risible qui vient décorer l'aile avant. Atroce ! Vous ai-je dit que la Focus européenne était superbe ?
Habitacle
La mise à jour de l'habitacle est plus supportable que celle de la carrosserie. L'ancien tableau de bord a été remplacé au complet. Réussie, la nouvelle planche de bord comporte comme élément distinctif un immense panneau de garniture d'aspect aluminisé. Les sièges sont confortables et de bonne facture. Pour rajeunir sa clientèle cible, on a ajouté quelques bidules électroniques, dont le système SYNC qui se connecte à de nombreux lecteurs de MP3 ou de téléphone cellulaire. On a également cru bon de doter la Focus d'un éclairage ambiant à diodes électroluminescentes qui vous permet de sélectionner la teinte de la lumière parmi sept joli coloris. Pitié ! C'est aussi kétaine que navrant.
Mécanique
Oubliez le 2,3 litres qui donnait un peu d'étoffe à la Focus, il ne reste que le 2 litres au catalogue. Son rendement est correct, mais il est parfois un peu rugueux. Ford parle d'un levier de vitesses « à course courte » : on compare probablement le levier de la boîte de vitesses manuelle à celui d'un camion semi-remorque. Dans ce contexte, oui, on peut dire que le levier est court, et que les passages de rapports sont précis. Si vous ne vous sentez pas l'âme d'un gondolier, vous pouvez sous rabattre sur la boîte automatique à 4 rapports.
Comportement
Ford nous promet, dans sa publicité, que la Focus se comporte désormais « comme sur des rails » grâce à sa suspension révisée. En effet, par moment, on a l'impression que la voiture ne roule pas sur des pneus, mais bien sur des roues d'acier… Autrefois, on louangeait la Focus pour sa tenue de route dynamique, l'une des meilleures de sa catégorie. Mais les temps ont bien changé, tout comme les réglages de la suspension qui confondent fermeté et rudesse. Bref, si la Focus a jadis été une voiture plaisante à conduire (et je ne vous parle pas de la version SVT qui était un pur délice), on ne peut maintenant constater que toute forme de plaisir a été extirpée de cette Focus 2009.
Conclusion
Il est difficile de comprendre un tel gâchis, surtout que la base était plutôt saine. Si la branche nord-américaine de Ford ne possède pas l'expertise pour mettre au point des petites voitures concurrentielles, le fabricant devrait simplement s'en remettre à sa division européenne qui sait le faire à merveille. Ou encore, simplement, de mettre un emblème Ford sur un produit de sa division Mazda, comme elle l'avait fait du temps de l'Escort. Une Mazda3 déguisée en Focus serait infiniment préférable à ce produit réchauffé qui dénote le désintérêt que peut avoir Ford pour les acheteurs de voitures compactes en Amérique du Nord.
Deuxième avis : Philippe Laguë
Si la Focus de deuxième génération roule sur les routes européennes depuis deux ans, les consommateurs nord-américains doivent se contenter d'une version recarrossée du modèle précédent. Cette décision de Ford ayant été maintes fois décriée, je m'abstiendrai de tourner le fer dans la plaie, d'autant plus que la situation sera corrigée lors de la prochaine refonte de la Focus. Cela dit, le modèle actuel a de grandes qualités, mais il faut faire abstraction de son physique ingrat. Sa motorisation n'a rien à envier à celles de ses rivales asiatiques, ni le niveau de confort qu'elle propose. Quant à la fiabilité, talon d'Achille des premières Focus, elle n'a cessé de progresser au fil des années. Des trois constructeurs américains, c'est Ford qui propose la seule alternative valable aux compactes japonaises et coréennes.