Darwinisme
Par Philippe Laguë
« Only the strong shall survive », affirmait le naturaliste britannique Charles Darwin, père de la théorie qui porte son nom. Placée dans le contexte de l’automobile, cette théorie est incarnée par la Chevrolet Corvette. Après une traversée du désert qui aura duré près de dix ans, cette mythique sportive américaine, qui a célébré ses 50 ans l'an dernier, a su redorer son blason. « Seuls les plus forts survivront », disait-il…
Carrosserie
Introduite en 1998, la Corvette de cinquième génération (C5) ne déroge pas à la tradition en matière de style. Ses formes tourmentées sont loin de faire l'unanimité, mais la controverse est indissociable de l'histoire de la Corvette, au même titre que les gros V8 et la carrosserie en fibre de verre. L'important, c'est de plaire aux aficionados… La C5 se décline en deux configurations, soit le coupé et le roadster, mais la Z06 délaisse le toit inclinable, du type Targa, au profit d'un toit rigide. Question de rigidité, justement.
Habitacle
On ne monte pas à bord d'une Corvette, on y descend. Cela dit, le mot confort fait désormais partie de son vocabulaire. Des sièges enveloppants et bien rembourrés se chargent de maintenir les occupants bien en place, peu importe le rythme et le style de conduite. On constate également une nette amélioration de la finition. Ça craque encore beaucoup à bord d'une Corvette, mais au moins, la qualité des matériaux est désormais digne d'une voiture de ce prix, tout comme la présentation intérieure.
Mécanique
Les malheurs de la Corvette ont coïncidé avec la descente aux enfers de l'industrie de l’automobile américaine, amorcée dans la foulée du choc pétrolier de 1973. Pour vous donner une idée du bas-fond qui a été le sien, son V8 de 5,7 litres développait 170 maigres chevaux en 1977. Il fallait compter 9 secondes et des poussières pour effectuer le 0 à 100 km/h, tandis que la vitesse maximale n'atteignait même pas 190 km/h… Une hérésie ! Un quart de siècle plus tard, c'est toujours le même bon vieux V8 de 5,7 litres à culbuteurs qui ronronne sous le capot. Mais la comparaison s'arrête là : l'aluminium a remplacé la fonte, les carburateurs ont cédé le pas à l'injection électronique, et les motoristes de GM ont retrouvé leur touche magique pour les moteurs de muscle cars. Résultat : 350 chevaux pour le V8 version LS1 et 405 pour la version LS6 de la Z06. On ne rit plus ! Du reste, un examen de la fiche technique révèle un amalgame de haute technologie et d'un conservatisme qui frise le folklore. Outre l'architecture du gros V8, des ressorts à lames et une boîte de vitesses automatique à 4 rapports dépourvue d'un mode séquentiel (façon Tiptronic et dérivés) côtoient des solutions dernier cri comme l'ABS, la traction asservie, l'antipatinage et la suspension active, ainsi qu'une boîte de vitesses manuelle à 6 rapports et un indicateur de gonflage des pneus.
Comportement
En matière de comportement sur la route, la C5 fait l'unanimité : son châssis n'a jamais été aussi sain. Et ceux qui lèvent le nez sur son V8 à culbuteurs n'ont, de toute évidence, jamais fait l'expérience de ses accélérations surréalistes et de son couple sans fin. Brutale, la Corvette ? Oui, mais juste ce qu'il faut pour titiller l'animal en soi. Et puis, ne boudons pas notre plaisir : le rugissement du V8 et le pilotage très physique de la bête ont quelque chose de jouissif. Pour en tirer le maximum sur un tracé sinueux, il faudra cependant opter pour la boîte manuelle. Une évidence, diront les puristes, mais ce choix s'impose, d'autant plus que la vétuste boîte automatique à 4 rapports ne convient aucunement à la conduite sportive. À éviter !
Conclusion
La marque de commerce de la Corvette, c'est évidemment son rapport prix-performances imbattable. « Bang for the bucks », comme disent nos voisins du Sud. Jugez plutôt : ses performances et sa tenue de route se comparent avantageusement à celles d'une Porsche ou d'une Ferrari. Et ce, pour la moitié du prix, sinon plus ! Que ceux et celles qui snobent cette sportive américaine se le tiennent pour dit !
Forces
Un confort en hausse Une présentation intérieure réussie Son V8 électrisant Sa tenue de route très sportive Un rapport prix-performances dur à battre
Faiblesses
Une allure discutable Des craquements persistants à l'intérieur Une boîte de vitesses automatique désuète Une pilotage très physique L’image macho qu'elle traîne comme un boulet
Nouveautés
Une édition spéciale commémorative Couleurs de carrosserie : blanc arctique, argent bolide, rouge magnétique et bleu foncé Le Mans (éditions commémoratives seulement) Soupapes d'amortissement révisées sur la Z06 Capot en fibre de carbone sur la Z06
Amyot Bachand 2e opinion
Si la Corvette n’a pas l’aura des Ford et des Cobra qui se sont signalées dans les courses d’endurance, l’édition spéciale 2004 « 24 heures du Mans » rend un témoignage éloquent aux nombreuses victoires trop discrètes des équipes privées qui ont su démontrer les talents de cette vraie sportive américaine. La Z-06, pure bouffée d’adrénaline, requiert adresse et respect. Sur route et sur piste, il faut tenir compte de son formidable couple et de son effet sur le transfert de poids latéral. Une fois qu’on a compris, on profite d’un superbe bolide très civilisé en matière de confort. Les Corvette coupé et cabriolet méritent une boîte automatique digne de la réputation de la voiture; impossible de tenter une entrée et une sortie de courbe intelligente, car on tombe sur le mauvais rapport ou l’on se retrouve en rétrogradation forcée.