La reine venue du Nord
Par : Michel Crépault
La S80 est la limousine de Volvo. Sous une mante relativement sage, elle gagne à être connue. En réalité, c'est à son volant, en interaction avec ses innombrables trouvailles, qu'on s'aperçoit à quel point l'industrie de l'automobile, en général, a accompli des pas de géant, et que Volvo, en particulier, chausse des bottes de sept lieues.
Carrosserie
Oui, bien sûr, il y a la cocarde Volvo qui zèbre la calandre à la diagonale, et les larges épaules qui tiennent du chat au dos rond. Mais, sinon, il n'y a pas grand-chose à raconter au sujet de la silhouette de la S80, si ce n'est qu'elle est habilement proportionnée et qu'elle suinte la solidité, une qualité inhérente à la marque.
Habitacle
La pléiade de gadgets qui truffent la S80 est entassée dans un intérieur extrêmement jouissif. L'ergonomie est louable, tandis que les sièges continuent d'exercer un leadership dans l'industrie. La console centrale flotte sous le tableau de bord, modernisant et allégeant une présentation de toute façon élégante. Volvo utilise des pictogrammes et des interrupteurs qui stimulent l'apprentissage intuitif. Les Suédois évitent quotidiennement des drames grâce au témoin lumineux encastré dans le pilier du pare-brise qui vire au rouge dès qu'une masse jusque-là invisible se meut dans le tristement célèbre angle mort. Fini les méchantes surprises ! Ce n'est là qu'une des gentillesses qui parsèment cette deuxième génération. Le régulateur de vitesse intel-ligent freine de lui-même pour conserver une distance sûre avec le véhicule qui nous précède. Un contrôle de sécurité nous signale qu'il serait inopportun de verrouiller l'auto puisqu'il a détecté une fenêtre restée ouverte ou les battements de cœur d'une personne " oubliée " dans le coffre de l'auto (un bidule qui agace le clan Soprano…). Navigation par satellite, sono DynAudio supérieure, compatibilité Bluetooth, climatisation en option dans les sièges avant, on nage dans le luxe et, pourtant, Volvo incorpore ces gâteries avec un naturel désarmant.
Mécanique
Nous passons de deux à trois motorisations : au 6 cylindres en ligne de 3,2 litres (235 chevaux) et au V8 de 4,4 litres (311 chevaux) emprunté à l'utilitaire XC90 et mis au point de concert avec Yamaha s'ajoute désormais le L6 turbocompressé de 3 litres (281 chevaux) dont bénéficiaient les Américains. Ces trois engins délivrent leur puissance par l'entremise d'une Geartronic à 6 rapports qui accepte le mode séquentiel grâce aux leviers de sélection au volant. La moins coûteuse des S80 se contente de la traction, alors que les deux autres proposent la transmission intégrale.
Comportement
On a souvent l'impression que les berlines européennes cherchent à nous épater avec des performances ahurissantes. À Volvo, on prend son pied autrement. Il y a d'abord cette tradition de sécurité. Un héritage qui, un temps, a pesé lourd. Mais lorsque quelqu'un du côté de Volvo s'est souvenu que les Scandinaves ont également un sens inné du design épuré, la révolution a débuté, à l'intérieur comme à l'extérieur. Puisque le V8 fera réfléchir en ces temps d'incertitude pétrolière, le modèle T6 servira de compromis. Les deux versions offrent une puissance tranquille ou explosive, selon notre humeur. En programmant la direction et les amortisseurs comportant des menus sportifs (l'option dite du "châssis actif"), on métamorphose une S80 en enfant terrible de l'asphalte. Mais est-ce vraiment la personnalité que recherchent les amateurs de Volvo ? Permettez-moi d'en douter. Le 6-cylindres en ligne fournit amplement d'élan et, comme les autres moteurs, opère dans un milieu ouaté. Le système AWD devine superbement les conditions routières. À l'instar des Québécois, les Suédois connaissent les vrais pièges de l'hiver.
Conclusion
La S80 représente ce que la marque fait de mieux à l'enseigne du bon goût et de l'efficacité. Dans cet esprit, difficile de lui reprocher son manque d'audace vestimentaire puisque son allure rime avec le luxe discret et le muscle assuré qui définit cette intermédiaire racée. Je comprends mal que Ford ne capitalise pas davantage sur un pareil joyau.
Deuxième avis : Frédéric Masse
La S80 me fait penser à un beau feu de foyer qui crépite en hiver. On s'y sent réconforté, en sécurité, à l'aise et bien au chaud. La Volvo a ce petit quelque chose qui séduira les conducteurs qui recherchent un milieu clos, à la limite stérile. La suédoise n'est pas sans charme; pour beaucoup il s'agit d'une qualité. La seule chose qui peut travestir un peu la perception de la voiture est son V8 offert en option dont la sonorité, tout de même surprenante, parviendra à percer l'habitacle quasi impénétrable. Avec la S80, on sait donc ce qu'on a, le plus confortable chandail douillet de sa garde-robe. On aime si souvent s'y retrouver… à moins qu'on soit plutôt amateur de chandail à manches courtes. Là, comme le dit l'expression : "Vous serez vraiment dans le champ" !