Perte d’identité
Philippe Laguë
Dans l’industrie automobile, la tendance est aux mélanges des genres. Les généralistes s’aventurent dans des créneaux plus exclusifs, les berlines de luxe affichent des prétentions sportives (ou l’inverse), les marques réputées cartésiennes tentent de se dévergonder pour changer leur image… Mais en sortant de leur niche, certaines marques perdent leur identité. C’est exactement ce qui arrive à Volvo et la berline S60 l’illustre bien.
Carrosserie
Le passage au XXIe siècle semble avoir entraîné une révolution en matière de style chez ce constructeur réputé pour son conservatisme. Les Volvo font désormais figure de référence en termes de beauté, ce qui constitue tout un revirement par rapport aux légendaires «boîtes» des trois décennies précédentes. La S60 n’est offerte qu’en une seule configuration, mais le choix des versions est aussi varié que significatif.
Habitacle
Deux choses font en sorte qu’on n’a jamais le goût de sortir de cette berline suédoise: les sièges, de véritables fauteuils qui se classent parmi les plus confortables de l’industrie; et la chaîne stéréo, qui comblera les plus exigeants en la matière. La complexité des commandes demande cependant une période d’adaptation. La superbe présentation intérieure et la finition cossue se situent à des années-lumière du dénuement des anciennes Volvo. On peut donc dire que le contenu est à la hauteur de l’emballage. L’habitacle récolte aussi des notes parfaites au chapitre de l’ergonomie et du rangement, tout comme le coffre, très vaste. L’habitabilité légendaire des Volvo n’est cependant plus ce qu’elle était : dans une berline intermédiaire, on s’attend à plus de dégagement pour les jambes. Les habitués de la marque vont tiquer, c’est sûr.
Mécanique
Depuis 10 ans, les moteurs à cinq cylindres font partie intégrante de l’environnement Volvo. Cette architecture originale prône le compromis: l’économie d’un quatre cylindres avec le couple d’un six cylindres. Pour ma part, je suis loin d’être convaincu… Les cinq cylindres des versions de base et intermédiaire (2.4, 2.5T et AWD) montrent une belle élasticité et ils délivrent du couple à bas régime, encore plus lorsqu’ils sont suralimentés ; mais on est loin de l’onctuosité des six cylindres allemands et japonais. Et il y a ce grognement agricole lorsqu’on accélère, tout à fait inapproprié dans une berline de luxe. L’accélérateur spongieux, un défaut chronique des Volvo, constitue un autre irritant. Évidemment, c’est une tout autre histoire du côté des versions plus musclées (T5 et R), qui génèrent une forte dose d’adrénaline avec respectivement 257 et 300 chevaux. Afin de passer cette puissance au sol, la S60 R a droit à une boîte de vitesses manuelle à six rapports (comme pour la T5 pour 2005) et à une transmission intégrale. Elle reçoit également une suspension active à trois modes.
Comportement
Un essai hivernal m’a permis de constater l’utilité et l’efficacité du rouage intégral. En revanche, je n’ai jamais profité de conditions routières propices à la conduite sportive, de sorte qu’il m’est difficile de comparer la S60 R à ses rivales (Audi S4, BMW M3, Mercedes C55 AMG). Sa boîte manuelle mérite des compliments, tout comme le freinage, malgré un ABS chatouilleux. Mais sa direction vient tout gâcher: elle ne communique aucune sensation et son gigantesque diamètre de braquage vient altérer l’agrément de conduite sur un parcours sinueux, en plus de compliquer les manoeuvres de stationnement. Ces irritants s’appliquent d’ailleurs à toutes les versions de la S60. Le confort s’avère royal, mais pour le plaisir, il faudra regarder ailleurs.
Conclusion
À vouloir trop plaire à trop de monde, la marque suédoise a perdu de son lustre et s’est éloignée de ses acheteurs traditionnels, tout en peinant à fidéliser les nouveaux. Perte d’identité, fiabilité en baisse et service après-vente très variable d’un concessionnaire à l’autre, voilà autant d’éléments qui font en sorte que les clients n’ont pas envie de racheter une Volvo. Et l’intégration au groupe Ford n’y est pour rien.
Forces
• Réussite esthétique • Choix de versions et moteurs • Excellents sièges • Habitacle cossu • Confort royal • Caractère des versions sport
Faiblesses
• Commandes complexes • Habitabilité décevante • Moteurs L5 bruyants et peu raffinés • Direction atroce • Fiabilité et service après-vente Déficients
Nouveautés en 2005
•Nouveau moteur de 257 chevaux (T5), boîte manuelle à 6 rapports optionnelle (T5), nouveaux disques de freins (T5), jantes et pare-chocs redessinés, moulures latérales et de bas de caisse de couleur assortie, nouveaux essuie-glaces à balai plat, enduit hydrophobe des rétroviseurs extérieurs, sièges, console centrale et tableau de bord redessinés
2e opinion Benoit Charette
• Volvo a réalisé un virage à 180 degrés en moins d’une décennie. Après avoir délaissé le moule très conservateur de trop nombreuses générations de berlines et de familiales, voici maintenant que l’on s’attaque au marché des sportives et du rouage intégral avec deux modèles qui, avouons-le, sont très réussis. Certains reprocheront à la S60 son petit côté un peu trop BCBG pour être une véritable sportive pure et dure. Mais il faut mettre la voiture à l’épreuve pour constater avec quel brio elle se tire de toutes les situations. De plus, elle demeure très confortable à conduire au quotidien, car il faut admettre que l’on n’a pas toujours envie d’y aller à fond de caisse et cela, Volvo l’a compris. Sobre mais efficace, une caractéristique qui résume bien les Volvo.