Grandes attentes, résultat moyen
Philippe Laguë
À en croire de nombreux chroniqueurs spécialisés, la Prius serait la plus grande invention depuis le pain tranché. Lors du lancement de la deuxième génération, l’an dernier, tout a été dit: certains ont affirmé qu’il s’agissait de la voiture de l’avenir, d’autres sont allés jusqu’à parler de révolution et que sais-je encore… Les plus perspicaces d’entre vous s’en doutent déjà: je suis loin de partager cet enthousiasme qui, dans certains cas, a frôlé le délire.
Carrosserie
Risquons une explication: le design de la Prius de deuxième génération a peut-être affecté le sens critique de certains collègues. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’une belle voiture, mais il y a un effort au chapitre du style qui mérite d’être souligné, surtout si on compare avec le modèle qui l’a précédé, tout droit sorti d’un épisode d’Ultraman. Une allure plus européenne, donc, avec le côté pratique en prime, gracieuseté du hayon arrière. Cette allure moderne laisse aussi croire à une grande efficacité aérodynamique. Première déception: la Prius se montre sensible aux vents latéraux et les bruits éoliens sont très présents dans l’habitacle dès qu’on atteint le cap des 100 km/h. Chez Toyota, on se pète les bretelles en faisant état d’un coefficient de traînée (Cx) de 0,26, mais à l’usage, c’est plutôt décevant.
Habitacle
L’aménagement intérieur et l’ergonomie constituent deux des points forts de cette berline. On y retrouve d’abord les qualités qui sont le propre des produits Toyota: l’assemblage et la finition se placent à l’abri de toute critique, tandis que les matériaux respirent la qualité. Qui plus est, la présentation est originale, résolument moderne, sans toutefois sombrer dans le bizarroïde. J’avoue que c’est un peu martien, mais nous sommes dans un véhicule futuriste, alors… N’empêche, on a poussé le bouchon un peu loin: je pense notamment aux boutons poussoirs qui permettent de démarrer la voiture et de l’immobiliser. Les amateurs de gadgets apprécieront l’écran tactile, véritable centre nerveux de l’habitacle. Le confort est l’une des marques de commerce de Toyota et la Prius ne fait pas exception. À l’avant comme à l’arrière, on est très bien assis dans cette berline. Les baquets sont particulièrement réussis, mais je ne rechignerais aucunement à prendre place sur la banquette arrière pour une longue randonnée, tant celle-ci est confortable. Ma seule réserve concerne le dégagement pour la tête à l’arrière, en raison de l’inclinaison du toit.
Mécanique
Le principal attrait de la Prius demeure sa motorisation hybride. On peut parler d’une réussite sur tous les plans: le moteur consomme peu, pollue encore moins, on l’entend à peine et ses performances constituent une agréable surprise. Mais je dois admettre qu’au chapitre de la consommation, je m’attendais à constater une différence plus marquée qu’avec une compacte à essence – une Corolla, par exemple. Mais ce qui m’a vraiment agacé, c’est sa boîte de vitesses ésotérique. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
Comportement
Avertissement: si l’agrément de conduite est votre priorité (ou l’une d’elles), passez votre tour et optez pour un vélo, une planche à roulettes, un cheval… n’importe quoi sauf une Prius. Quel ennui! Elle parvient toutefois à se racheter par son confort et sa douceur de roulement. La mollesse de la suspension, combinée à une direction franchement atroce – l’une des pires que j’ai pu voir en 13 ans de carrière – parce que floue et surassistée, nécessitent une vigilance de tous les instants, tout en astreignant à une conduite des plus sages. Quant à la tenue de route, n’en parlons pas: c’est un concept abstrait au volant d’une Prius. Roulis important, sous-virage prononcé, tout cela nous ramène à une autre époque. Bel anachronisme dans une voiture aussi moderne!
Conclusion
Malgré son confort, son silence de roulement, sa mécanique avantgardiste et ses vertus environnementales, la Prius ne m’a pas convaincu. Hybride pour hybride, je préfère la Honda Civic, nettement plus agréable à conduire et de conception moins « martienne ».
Forces
•Design moderne à l’intérieur comme à l’extérieur •Finition impeccable •Habitacle spacieux •Motorisation réussie •Douceur de roulement •Carences aérodynamiques
Faiblesses
•Certaines commandes bizarroïdes •Boîte de vitesses ésotérique •Agrément de conduite inexistant •Direction atroce •Suspension flasque
Nouveautés en 2005
•Aucun changement
2e opinion Michel Crépault
• On ne sait toujours pas quand exactement les réserves de pétrole de la planète seront taries ; on fabule toujours sur le nombre de tueurs à gages embauchés pour réduire au silence l’inventeur d’un moteur qui fonctionnerait, par exemple, à coups de patates pilées. En attendant, Toyota continue d’améliorer sa Prius. L’hybride a fait des bonds de géant depuis son introduction en 1999. La Prius est maintenant comparable en termes d’habitabilité et de performances à une Camry quatre cylindres. En revanche, sa consommation, son silence de roulement, son look futuriste et sa contribution écologique en font un véhicule idéal pour faire sa part sans nécessairement joindre les rangs d’extrémistes verts. Ne reste plus au gouvernement canadien qu’à instaurer des incitatifs fiscaux.