Se ranger sous la bannière
Benoit Charette
Vous le savez, en politique, il y a ce qu’on appelle la ligne de parti en vertu de laquelle un député ou un ministre doit se conformer à l’idéologie du parti, même si cela ne représente pas toujours sa propre vision des choses. Dans le monde de l’automobile, les voitures qui connaissent du succès dans une catégorie donnée servent toujours de modèle. Les Toyota Camry ou Honda Accord portent la bannière dans la catégorie des voitures intermédiaires. Subaru, qui a toujours cultivé la différence avec son moteur à plat, la transmission intégrale de série et ses renflements de turbo sur le capot moteur, se rapproche un peu de la norme cette année avec la présentation d’une refonte de la Legacy et de l’Outback.
Carrosserie
Sur le plan visuel, Subaru a choisi de rentrer dans les rangs. Les anciennes versions se démarquaient un peu de la concurrence et, aux fils des ans, le fabricant avait bien résisté à l’envie du « toujours plus gros » qui était devenu la norme dans l’industrie; et cette différence faisait partie de son charme. Hélas, en affaires, c’est le marché qui dicte la marche à suivre, et Subaru, qui veut élargir ses horizons et sa clientèle cible, a succombé à la tentation. La nouvelle Legacy, qui ne sera désormais offerte qu’en version berline, s’allonge donc de 4,5 centimètres. Pour ce qui est de l’Outback, devenue la seule version familiale, conserve pratiquement la même longueur. Toutefois, les deux modèles gagnent 9 centimètres en largeur, tandis que la Legacy gagne 8 centimètres en hauteur. L'empattement progresse de 7 centimètres dans le cas de l’Outback et de 8 centimètres dans le cas de la Legacy. En matière de style, l'évolution est discrète mais sensible : les ailes élargies et les projecteurs surdimensionnés cherchent à renforcer la personnalité de l'auto. Une évolution sans doute nécessaire pour séduire, mais certains, comme moi, regretteront le petit côté rebelle de la présente génération. La plateforme est entièrement nouvelle de même que les trains roulants. À l'avant, c'est un classique schéma McPherson qui a été retenu, tandis que, à l'arrière, un nouveau train à double triangulation fait son apparition.
Habitacle
L’intérieur est très semblable pour les deux modèles, et la montée en grade est évidente tant au chapitre des matériaux que de l’insonorisation. Le format plus généreux se ressent, il y a plus d’espace pour les épaules, les jambes et les passagers arrière. Subaru a même creusé les sièges avant et élargi les portes arrière pour rendre la partie arrière plus accueillante. Les sièges en tissu sont encore un peu fermes, et la sellerie de cuir semble toujours provenir de vaches en plastique, mais c’est comme cela depuis toujours chez Subaru, et j’oserais presque dire que cela fait un peu de son charme. Une seule fausse note dans l’aménagement. Les versions qui reçoivent le système de reconnaissance de la voix et la connectivité Bluetooth se voient affubler d’un espèce de truc bricolé qui se résume à deux petits haut-parleurs dans un étui de métal 1950 en plein centre de la console avec un micro installé sur le dessus de la colonne de direction. On jurerait que Subaru a oublié d’inclure un système cohérent durant la conception et a ajouté cette chose à la dernière minute. Cela fonctionne, mais pour l’esthétisme, on repassera. Un dernier mot sur le coffre plus spacieux grâce à la suspension à double triangulation plus compacte : l’Outback offre même un rail sur le toit avec des barres transversales amovibles qui restent bien cachées quand on ne les utilise pas et, du coup, élimine les bruits de vent; simple mais génial.
Mécanique
C’est sans doute sous le capot qu’il y a le moins de changement. La Legacy et l’Outback sont toujours offertes en trois niveaux de performance. Les versions de base reçoivent le même 4-cylindres à plat de 2,5 litres et PZEV de 170 chevaux. La 2.5i s’équipe de série d’une nouvelle boîte de vitesses manuelle à 6 rapports qui remplace la boîte manuelle à 5 rapports. Question de sauver quelques sous de carburant et de faire mentir, un tant soit peu, la réputation plus gourmande des moteurs Subaru. L’entreprise nipponne ajoute également à l’offre une boîte CVT Lineartronic qui propose un mode manuel permettant de passer les rapports, ce qui rend son utilisation « endurable ». Cette boîte équipe de série la Legacy PZEV et est livrable en option sur la 2.5i. Pour les sportifs dans l’âme, la Legacy est toujours offerte en version GT. C’est le moteur de la WRX 265 qui s’y retrouve et produit, vous l’avez deviné 265 chevaux. Ce moteur turbo est jumelé à une nouvelle boîte manuelle à 6 rapports. C’est la première fois que j’ai eu du plaisir avec une boîte manuelle Subaru. Beaucoup mieux synchronisée que la récalcitrante boîte de l’ancienne Spec B, cette boîte m’a réconcilié avec la GT. Les nouvelles Legacy et Outback 3.6R vont elles aussi piger dans le coffre à outils du fabricant et héritent du moteur à 6 cylindres à plat du Tribeca. La puissance est de 256 chevaux, et la seule boîte offerte est l’automatique à 5 rapports. Comme toujours, Subaru demeure le seul constructeurs d’automobiles à équiper de série tous ses modèles de la transmission intégrale symétrique en prise constante.
Comportement
Nous disions plus tôt que Subaru avait succombé à la tendance du toujours plus gros. Les ingénieurs ont limité les dégâts et, malgré des proportions plus généreuses, la voiture n’a pris qu’une cinquantaine de kilos. Le bon côté de la chose s’entend où plutôt ne s’entend pas. Les portes sans cadre, l’une des caractéristiques des produits Subaru depuis des décennies font place à des portes avec cadre. Ajoutez à cela un surplus de matériau insonorisant, et la voiture est plus silencieuse. Assez silencieuse pour enterrer le sifflement particulier du moteur à 4 cylindres à plat. L’envers de la médaille ? Ce surplus de poids affecte un peu le plaisir de conduire. Le volant est plus lourd, et la direction ne rend pas aussi bien les sensations de la route au volant. C’est un peu plus évident dans la Legacy qui se veut par définition plus sportive; l’Outback se conduit de manière un peu plus pantouflarde. Tous les modèles s’équipent du contrôle de la dynamique du véhicule (VDC), un système qui agit à la fois sur la stabilité et la motricité. Couplé à la transmission intégrale, vous serez assuré de ne pas perdre pied. Il faut aussi mentionner que l’Outback offre maintenant une meilleure garde au sol qu’un Ford Explorer ou un Jeep liberty. Cette familiale, que Subaru appelle un VUS, peut faire rougir de honte bien des camions, un atout certain si vous sortez des sentiers battus.
Conclusion
Si vous me demandiez de choisir entre une Legacy et une Outback, je dois vous dire que j’irais vers l’Outback. C’est celle qui, à mon avis, a le plus progresser et répond le mieux à sa vocation. La Legacy est rentrée dans les rangs et a, du coup, perdu son petit côté débridé qui faisait son charme. Je dois tout de même admettre que la version GT avec plus de puissance et, enfin, une boîte manuelle digne de ce nom, m’a tiré un sourire de satisfaction.
Forces
Hausse de la qualité des matériaux
Meilleure insonorisation
Légendaire tenue de route
Boîte manuelle digne de ce nom (Legacy GT)
Prix plus abordables
Faiblesses
Conduite plus aseptisée (Legacy)
Lignes plus génériques
Je vais m’ennuyer de la Legacy familiale.