L’âge de la démesure
Benoit Charrette
À une époque où tout le monde semble apprécier un peu plus de zeste sous le capot de sa voiture, Mercedes repousse continuellement les limites du raisonnable depuis quelques années. La dernière folie en titre, la nouvelle CL65 AMG, développe pas moins de 604 chevaux et autant de couple qu’un moteur de train. Portrait d’une voiture pour gens d’affaires plus pressés que leur ombre.
Carrosserie
Étroitement dérivé de la Classe S, le coupé CL offre une ligne plus fuyante complètement refaite au tournant du millénaire (pratiquement inchangée depuis). Même si on a utilisé une forte quantité d’aluminium, de magnésium et de plastique pour diminuer son poids, ce pachyderme fait tout de même pencher la balance à 1845 kilos en version de base (CL500). C’est un peu comme si on avait demandé aux concepteurs de donner une taille de nymphe à un éléphant. Certaines lignes trompe-l’oeil donnent une illusion gracieuse à la CL, mais vous avez affaire à un très gros coupé.
Habitacle
Un intérieur tout aussi exclusif que la clientèle visée : les meilleurs cuirs, une foule de fonctions automatiques qui rendent la vie à bord plus simple. Par exemple, le Keyless-Go (offert en option) : une carte à puce qui assure les fonctions de la traditionnelle clé de contact. Le déverrouillage des portières se fait grâce à une simple pression sur la poignée et ce dispositif sert également de démarreur à distance. Mieux insonorisée qu’une voûte de banque, la CL offre aux passagers arrière tout juste ce qu’il faut d’espace pour ne pas se sentir mal à l’aise. Le système COMAND qui trône au centre de la planche de bord constitue le centre nerveux de la voiture et comme dans un avion de chasse, toute l’information nécessaire au bon fonctionnement de la voiture se trouve emmagasinée dans ses micropuces.
Mécanique
C’est ici que vous effectuez un choix entre le luxe et la décadence. Allezvous vous montrer raisonnable en optant pour la CL500 et son prix modique sous les 140 000 $ ou encore opter pour les 493 chevaux de la CL600 ? Pour les snobinards qui refusent l’ordinaire, AMG propose en plus de sa 55 (elle aussi avec 493 chevaux) une nouvelle CL65 au moteur V12 de laquelle les sorciers de Stuttgart ont greffé deux turbos pour obtenir un total de 604 chevaux et un couple ahurissant de 738 livres-pied. Vous expirez sur l’accélérateur et vous voilà catapulté sur la route. À l’exception de la CL500 qui offre la très soyeuse transmission automatique à sept rapports, les autres se contentent d’une boîte à cinq rapports.
Comportement
Si la silhouette peine à cacher ses bourrelets, la suspension pilotée ABC (Active Body Control) qui adapte instantanément la suspension de la caisse à la situation de conduite du moment est tout simplement géniale et donne presque une agilité de ballerine à cet haltérophile. Je dis presque, car en virage prononcé, le coupé trahit son poids et devient délicat à manoeuvrer. Le poids offre tout de même un avantage. Sur la route, la voiture s’avère d’une stabilité inébranlable : un roc que rien ne perturbe. Et toute l’électronique confère au véhicule une légèreté qui donne l’impression de conduire un tapis volant. Une conduite très sereine en dépit de son gabarit.
Conclusion
Évidemment, un véhicule aussi obtus et spécialisé est la dernière chose dont le monde automobile a besoin. Y a-t-il une logique à voir des véhicules de 600 chevaux sur la route ? Tant qu’il y aura de la demande, il y aura aussi quelqu’un pour s’occuper de l’offre. Et si vous figurez parmi les rares élus à faire partie du club CL, vous aurez beaucoup de plaisir au volant.
Forces
•Insonorisation poussée •Incroyable stabilité sur la route •Performances à la hauteur
Faiblesses
• Trop cher • Trop gourmand • Trop lourd •Trop fragile
Nouveautés 2005
•Nouvelle version CL65 AMG, nouvelle couleur intérieure
2e opinion Philippe Laguë
• Les coupés CL donnent tout son sens à l’appellation grand-tourisme. Ils sont beaux, ce qui est essentiel pour une GT ; leur confort est impérial ; ils sont rapides et leur tenue de route n’a rien à envier à celle de rivales ayant pour nom Ferrari ou Bentley. Exactement le genre de voiture avec laquelle on a envie d’enfiler les kilomètres. Ce sont aussi de véritables vitrines technologiques et c’est là que ça se gâte : chez Mercedes, plus il y a d’électronique à bord, plus les problèmes s’accumulent… La fiabilité est en chute libre, au point de faire l’objet de rapports dévastateurs dans des publications spécialisées canadiennes, américaines et européennes. Sans compter les turbulences qui secouent le groupe DaimlerChrysler. Bref, voilà une marque qui a perdu de sa superbe…