Contre-emploi
Par : Benoit Charrette
Dès qu'on prononce le mot Jeep, on voit tout de suite les grands espaces, les chemins peu fréquentés. Imaginez maintenant un Jeep à deux roues motrices, basée sur une voiture (la Dodge Caliber) avec une suspension à quatre roues indépendantes et aucun talent pour aller ailleurs que sur le bitume. Avec le Compass, Jeep a voulu moderniser son allure et son approche. Avec son frère de sang, le Patriot, le Compass forme le duo pour elle et lui selon les dires même de Chrysler. L'idée est bonne, c'est dans l'exécution que ça se gâte.
Carrosserie
Nous sommes loin des Jeep traditionnelles aux lignes coupées à la hache. Les formes plus douces du Compass sont à l'image de ce segment de marché dans lequel évoluent le Toyota RAV4, le Hyundai Tucson et le Honda CR-V. Il y a tout de même beaucoup de compromis dans le dessin. L'avant est typiquement Jeep avec la calandre à sept ouïes. De profil, Jeep a voulu conserver l'illusion du camion (même s'il s'agit d'une voiture) en exagérant un peu la ceinture de caisse et la ligne de custode. Sans être disgracieux, le résultat final n'est pas convaincant. Cela donne l'impression qu'on a vêtu d'un chandail extra large quelqu'un qui habille habituellement petit. La garde au sol, relevée à 20 centimètres, laisse pour sa part une bonne impression.
Habitacle
On vous le disait plus tôt, la Dodge Caliber, le Jeep Patriot et le Compass sont produits sur la même chaîne de montage. En prenant place à bord, vous aurez l'impression, peu importe le modèle, d'entrer dans la même voiture. Une seule différence notoire, vous êtes assis plus haut dans un Jeep. On retrouve le même accoudoir central équipé d'un présentoir pivotant qui peut accueillir un iPod ou un cellulaire. Les deux haut-parleurs articulés intégrés au hayon (introduits dans le Caliber) sont également de la partie, mais offerts en option. Les plastiques sont également de la même qualité que ceux de la Caliber, c'est-à-dire médiocre. Une bonne idée en terminant, le plancher du coffre est recouvert d'une surface lavable amovible, et il y a cette lampe de poche à diode électroluminescente (DEL) intégrée au ciel de toit et qui se recharge automatiquement. L'espace aux places arrière est tout à fait correct.
Mécanique
C'est ici que la voiture a le plus de chemin à faire. Vous avez le choix de deux moteurs à 4 cylindres : un 2-litres anémique et un 2,4-litres bruyant. Le modèle de base est uniquement offert en traction, et la seule boîte de vitesses est la CVT. Pour la consommation de carburant et le prix, c'est un choix correct, mais vous n'aimerez pas l'expérience au volant, à moins de n'avoir aucune attente. Le moteur de 2,4 litres fait 172 chevaux et vient avec une boîte manuelle à 5 rapports pas toujours agréable à manier, mais tout de même plus intéressante que la boîte CVT qui fait gémir le moteur à chaque remise des gaz. Le 2,4-litres vient également avec le Freedom Drive I, un dispositif avec verrouillage aux quatre roues motrices qui permet de transmettre jusqu'à 60 % de la puissance réelle à l'essieu arrière.
Comportement
Sur la route, le Compass offre une bonne maîtrise avec la motricité aux quatre roues. Toutefois, la direction est floue, et l'insonorisation, insuffisante. Le passage des rapports de la boîte manuelle pourrait être plus précis, mais je vous la recommande, car la boîte CVT n'est pas encore au point. Si vous désirez le moindre agrément de conduite, vous devez opter pour le moteur de 2,4 litres. La motorisation 2,0 litres est insipide. Donc en résumé, le Compass est très loin d'un CR-V, d'un RAV4 ou, même, d'un Hyundai Tucson. La seule version que je pourrais considérer est celle à quatre roues motrices avec le moteur de 2,4 litres et la boîte manuelle.
Conclusion
On dit que le fruit ne tombe jamais très loin de l'arbre. Le géniteur du Compass, la Dodge Caliber est un véhicule raté. Jeep a tout de même amélioré la recette, mais quand on débute avec la même base, on ne peut pas faire de miracles.
Deuxième avis : Philippe Laguë
Comment dénaturer un Jeep ? Prenez la plateforme et le moteur d'une compacte de piètre qualité (la Dodge Caliber) et habillez-la d'une carrosserie utilitaire-mais-pas-trop. Le résultat est, ma foi, consternant : en plus d'être d'une laideur affligeante, cette fausse Jeep n'est même pas capable de s'aventurer hors des sentiers battus. C'est ce que veut la clientèle ? Soit. Mais la clientèle veut-elle d'un véhicule lent, bruyant et désagréable à conduire ? Le moteur constitue le principal handicap de cet utilitaire urbain (sic), car il manque cruellement de raffinement, et sa sonorité agricole est exacerbée par une boîte de vitesses à variation continue exécrable. De plus, les aptitudes routières n'impressionneront personne : la Compass n'est pas très agile, et sa tenue de route est, au mieux, passable. Ajoutez à cela une finition intérieure risible et vous avez tous les ingrédients d'un ratage monumental. Et pourtant, ils en vendent…