Le défi de convaincre
Par Philippe Laguë
Réputée pour son conservatisme, Jaguar a effectué, l’année dernière, un virage à 180 degrés avec la XF qui a succédé à la S-Type. Il ne s’agissait pas, cette fois, d’un renouvellement ni même d’une évolution, mais bel et bien d’un remplacement. La nuance est importante.
CARROSSERIE
Le design de la XF marque une rupture de style non seulement avec sa devancière mais avec le style Jaguar tel qu’on le connaît depuis des décennies. Évidemment, un changement aussi radical déclenche de fortes réactions, très polarisées; les traditionalistes – dont je suis – n’aiment guère, mais ce style plus moderne permettra assurément d’aller chercher de nouveaux acheteurs, peut-être même de rajeunir la clientèle.
HABITACLE
Le dépaysement se poursuit à l’intérieur. La décoration de l’habitacle est moderne, très épurée, à des années-lumière du classicisme qui était l’une des marques de commerce de ces nobles anglaises. Ce mobilier d’inspiration nordique, avec un tableau de bord minimaliste, me laisse froid; le cachet d’une Jag a disparu. Shocking !
Il faut également apprivoiser la panoplie électronique, et ça, mes amis, ce n’est pas une mince affaire ! Hier encore, c’était si simple dans une Jag… Alors que dans la XF, c’est aussi compliqué que dans une allemande. Côté confort, cependant, les standards de la marque sont respectés. L’habitacle est fort bien insonorisé, ce qui permet d’apprécier la sonorité exceptionnelle de la chaîne stéréo. Les bruits éoliens sont inexistants, signe d’une grande efficacité aérodynamique. Les occupants prennent place dans des sièges très confortables, et ce, à l’avant comme à l’arrière. L’habitabilité est aussi sans reproche, les passagers arrière bénéficiant d’un bon dégagement pour les jambes mais aussi pour la tête, malgré la forte inclinaison du toit.
MÉCANIQUE
En entrée de gamme, le V8 de 4,2 litres est toujours au catalogue, et ses 300 chevaux ne sont pas de trop pour déplacer les quelque 1800 kilos de cette berline. Un cran plus haut, le nouveau V8 de 5 litres affiche 85 chevaux supplémentaires. Et s’il vous en faut encore plus, histoire de perdre votre permis de conduire avec panache, il y a la version suralimentée de ce même V8, dont le compresseur volumétrique fait grimper la puissance à 510 chevaux. Objectif : BMW M5 et consorts.
Évidemment, ce surplus de puissance a une incidence directe sur l'appétit de la bête : les accélérations sont à couper le souffle, tout comme la consommation. C’est, du moins, ce que révèlent les chiffres, car Jaguar n’a pas cru bon nous faire essayer la XF et ses nouveaux moteurs. En réalité, Jaguar n’a mis aucune voiture à la disposition des journalistes du Québec au cours de la dernière année. Tant pis.
COMPORTEMENT
Ultra précise, parfaitement dosée, la direction place la voiture là où vous le voulez, au quart de poil, et permet d'apprécier les qualités dynamiques de cette berline qui cache bien son poids. Du roulis, il y en a très peu, et, dans les grandes courbes comme dans les virages serrés, la Jag plante ses griffes dans le pavé et reste imperturbable.
CONCLUSION
Conçue sous le régime Ford, la XF permet néanmoins à Jaguar de faire peau neuve pour son entrée dans le groupe Tata, avec une nouvelle identité visuelle et une approche beaucoup plus moderne. Si la XF conserve les qualités des Jaguar en matière de confort et de qualités routières, elle doit maintenant inspirer la même confiance aux acheteurs de voitures de luxe que les marques allemandes. Même si ces dernières ne sont pas plus fiables, leur réputation n'en souffre guère; alors que Jaguar traîne la sienne comme un boulet, même si la situation s'est considérablement améliorée depuis une vingtaine d'années. Tel est le défi de la XF et des nouveaux propriétaires de la marque : convaincre. Un service de presse plus efficace pourrait aussi aider à répandre la bonne nouvelle… Difficile, en effet, de parler d’une voiture quand on ne peut la conduire, et, au Québec, le parc de véhicules de presse est inexistant.
FORCES
– Confort princier
– Habitabilité
– Trio de moteurs impressionnant (du moins, sur le papier)
– Boîte automatique très souple
– Excellente direction
FAIBLESSES
– Style banal
– Décoration intérieure froide
– Panoplie électronique complexe
– Consommation (XFR)
– Réputation à rebâtir
– Présence timide au Québec
NOUVEAUTÉS EN 2010
Nouveaux V8 de 5 litres (atmosphérique et suralimenté)
Version XFR