Qui n'avance pas recule !
Par Philippe Laguë
Lors de son introduction, en 1990, la Q45 n'a pas tardé à se faire des amis. À défaut d'être un succès au chapitre des ventes, elle a mérité d'emblée les louanges de la presse spécialisée, certains confrères la qualifiant même de « Jaguar japonaise ». Après ce départ sur les chapeaux de roues, les choses se sont toutefois gâtées : deux générations plus tard, cette grosse berline s'est embourgeoisée au point de devenir complètement aseptisée.
Carrosserie
Dès le premier coup d'œil, on constate que quelque chose ne tourne pas rond avec cette berline de luxe, dont les lignes possèdent l'éclat d'une Chevrolet… Pire que cela : la Q45 est laide. Point à la ligne. Pour un véhicule qui se veut le navire amiral d'une marque de prestige, ça ne convient pas du tout ! Une question me brûle les lèvres : comment une telle horreur a-t-elle pu avoir le feu vert pour la production ?
Habitacle
À l'intérieur, c'est beaucoup mieux. Sans être d'une originalité à tout casser, la décoration est au moins digne d'une voiture de ce prix. Les différents tissus et matériaux respirent la qualité, tandis que le soin apporté à la finition est évident. Par ailleurs, les amateurs de gadgets prendront leur pied avec le système de navigation, les commandes vocales pour la climatisation, le téléphone et la chaîne stéréo, sans oublier la caméra qui s'active quand la voiture recule. Des heures et des heures de plaisir en perspective…À l'avant, une galaxie de réglages vous permettra de trouver la bonne position de conduite et d'ajuster les baquets à votre morphologie. Si le propriétaire décide de se faire conduire par son chauffeur, il prendra place sur une banquette tout aussi confortable, avec de l'espace à profusion pour la tête et les jambes. On pourrait croire que les places arrière ont été conçues à cette fin, non seulement en raison du confort princier, mais de la présence d'une console centrale qui recèle les commandes de la chaîne stéréo et de la climatisation, ainsi que d'un appui-bras qui peut servir de table pour écrire. Mais il n'y a pas de trappe pour les skis et le dossier de la banquette ne s'incline pas, ce qui est d'autant plus aberrant que le coffre ne peut pas contenir grand-chose parce qu'il est tronqué. Encore une fois, nous n'avons pas de félicitations à adresser aux concepteurs de cette berline.
Mécanique
À défaut d'être belle, la Q45 a du cœur au ventre. Mais pas autant que les 340 chevaux annoncés pourraient le laisser croire. La division Infiniti a d'ailleurs été accusée de gonfler la puissance de ses moteurs par un constructeur rival. Si la preuve n’a pu être faite, il n'en demeure pas moins que ce V8 de 4,5 litres ne possède pas le mordant d'une mécanique affichant une puissance comparable. Disons qu'il donne plutôt l'impression de générer environ 300 chevaux. Ce qui n'est pas rien, convenons-en; cela suffit amplement à procurer des accélérations et des reprises plus que satisfaisantes, tout cela avec la douceur et la souplesse proverbiale des moteurs nippons.Ce qui m'a plus agacé, c'est la lenteur de la boîte de vitesses automatique. Si on ne peut rien lui reprocher au chapitre de la fluidité des passages, on apprécierait néanmoins une plus grande rapidité d'exécution.
Comportement
Cette berline de luxe prétend être capable de jouer les sportives. Elle est notamment pourvue, à cette fin, d'une suspension qui peut être placée en mode « Sport ». Cela réduit le roulis – considérable – de cette grosse berline, sans toutefois l'éliminer. Mais une fois lancée en virage, elle se plaque au sol et ne bouge plus, de sorte que, pour atteindre la limite, il faut vraiment attaquer très fort.Cela dit, cette limousine ne peut défier les lois de la physique. Elle est lourde, peu maniable et encore moins agile. Sportive ? Pas vraiment, ne serait-ce qu'en raison du débattement trop important des amortisseurs. Résumons : la Q45 se comporte avec aplomb dans les grandes courbes, mais se montre beaucoup moins à l'aise dans les virages serrés. Par contre, la douceur de roulement est celle d'une limousine, pas d'erreur.
Conclusion
« Qui n'avance pas recule », dit le proverbe. Et c'est précisément le mal qui afflige le modèle haut de gamme d'Infiniti, qui semble faire du sur-place depuis une dizaine d'années. Les modifications apportées au fil des ans n'ont pas réussi à renverser la vapeur, pas plus qu'une refonte complète, il y a deux ans. Dans un créneau aussi pointu, un tel manque de personnalité ne pardonne pas.
Forces
Une finition soignée De la haute technologie Un habitacle spacieux et confortable La douceur de roulement d’une limousine Un raffinement mécanique
Faiblesses
Un désastre esthétique Un coffre tronqué Une boîte de vitesses automatique trop lente Un roulis important en virage Un manque criant de personnalité
Nouveautés
Aucun changement majeur
Benoit Charette 2e opinion
Au-delà de sa silhouette qui se cherche encore une identité, la Q45 possède de grandes qualités dynamiques. Avec un moteur V8 de 4,5 litres développant 340 chevaux, jumelé à une boîte de vitesses automatique à 5 rapports, elle met environ 6 secondes à passer de 0 à 100 km/h. Le confort de roulement est souverain, et le seul bruit perceptible est celui des pneus. L’habitacle est généreux, les freins sont puissants (mais un peu spongieux), et la chaîne audio Bose à huit haut-parleurs d’une puissance de 300 watts n’a rien à envier aux meilleures de la catégorie. La suspension, quant à elle, n’est pas à la hauteur des prouesses de la mécanique et pèche par sa trop grande mollesse. Seule la Q45 en version Privilège — avec son réglage sport et des pneus de 18 pouces — se tire assez bien d’affaire. Une limo à la japonaise, un peu fade, mais sans bavure.