Ramer à contre-courant
Par Benoit Charrette
Dans un monde où l'on se met au vert, où l'on transforme les formes de la carrosserie pour obtenir un meilleur aérodynamisme et où l'on réduit la taille des moteurs, la Challenger arrive comme une tonne de briques. C'est ce qui rend cette voiture aussi attrayante. Et nous allons être les témoins à nouveau de la bataille Mustang, Challenger, Camaro à compter de l'an prochain, Dans les conditions actuelles, cette guerre ne fera pas de gagnants; tout le monde perdra, mais cela apporte une couleur irremplaçable au parc d'automobiles. Mais pourquoi introduire un véhicule comme la Challenger sur la route en ce moment ? Tous les fabricants d'automobiles ont besoin d'une vedette qui attire les foules aux concessions, et c'est précisément le rôle que Chrysler a donné à la Challenger. Peu coûteuse à produire, elle profite du châssis de la 300 et d'une gamme de moteurs qui existent déjà dans la boîte à outils du fabricant. Elle est aussi construite côte à côte avec la 300 et la Charger à Brampton, en Ontario. Chrysler a seulement dépensé 151 millions pour le programme de la Challenger et a réalisé le modèle en 21 mois. Donc, une véritable aubaine pour ramener l'enfant prodigue des années 70 sur la route. Le programme Challenger sera probablement comptabilisé dans le programme de dépense publicitaire. Même si les chiffres de ventes ne sont pas astronomiques, le pouvoir d'attraction et les retombées sont très, très importants. Cette voiture est un mythe, et Chrysler va en tirer le maximum.
Carrosserie
Les lignes sont tout simplement à couper le souffle. De la calandre menaçante à la buse du réservoir de carburant du type course, aucun détail n'a été oublié. Tellement qu'une Challenger d'origine semble frêle à côté des ailes surdimensionnées de sa version contemporaine. Tout en étant très différente, elle laisse une forte impression de l'originale, et c'est là tout le génie de cette voiture. Les heureux élus qui ont déjà acheté l'un des 500 modèles SRT8 vendus au Canada ne se préoccupaient pas de la fonte des glaciers en Arctique ou des problèmes d'approvisionnement des ours polaires en nourriture. Cette voiture s'adresse aux poches des boomers pleins de fric et qui pleurent à chaque fois qu'ils vous racontent comment l'âge d'or des « muscle cars » était magnifique. On vend de l'émotion, et c'est tout ce qui importe à ces acheteurs, c'est un brassage de tripes émotionnel. Et pour générer de l'émotion, cela prend un coup de foudre et, partout, sur mon passage durant ma semaine d'essai, cette voiture a fait l'unanimité. Sa silhouette est magnétique.
Habitacle
La Challenger a également des faiblesses comme l'intérieur qui n'a rien du charme de l'extérieur. On se croirait dans une Charger ou une 300 de base (revers de la médaille d'une voiture à petit budget). L'une des rares consolations se retrouve dans le modèle SRT8 qui profite de sièges uniques, du type course, moulants et confortables. Le reste de l'habitacle est fonctionnel mais fade. On retrouve sur la liste des options le centre d'information placé au centre de la console autour d'un écran multifonction qui provient directement de la 300 et de la Charger. En plus du système de navigation, on retrouve la radio par satellite Sirius. Mais il faut aller dans le haut de gamme pour avoir droit à tout cela. À sa façon, l'intérieur de la nouvelle Challenger rend hommage aux modèles d'époque avec aussi peu d'inspiration que la version d'origine. Avec des lignes aussi tranchantes, nous étions en mesure d'espérer mieux comme aménagement intérieur.
Mécanique
Dodge a emprunté du matériel qui se trouvait déjà dans le garage pour installer tout cela sous le capot. L'offre de base débute avec le V6 de 3,5 litres de 250 chevaux. Véhicule qui s'adresse à ceux qui ont un brin de conscience écologique ou qui ne veulent pas trop investir dans le pétrole. Viennent ensuite les modèles pour fanatiques. Le modèle R/T propose un V8 de 5,7 litres qui offre 372 chevaux avec la boîte automatique à 5 rapports et 376 avec la boîte manuelle à 6 rapports. Et aussi bien pousser le bouchon de la nostalgie au maximum en ajoutant à la boîte manuelle le très célèbre levier d'embrayage à pistolet de Hurst. Ce V8, comme celui des modèles 300 et Charger, offre un système de désactivation des cylindres qui permet d'économiser un peu (très peu) de carburant si vous n'appuyez pas trop fort sur l'accélérateur. Enfin, la version SRT8, qui culmine à 425 chevaux, offre les mêmes boîtes que la R/T mais sans la désactivation des cylindres.
Comportement
Pour être franc avec vous, j'ai adoré cette voiture, je sais, moi aussi je suis surpris. Autant elle respire la brutalité, autant elle est facile et agréable à conduire. Le châssis de la 300, qui provient lui-même de Mercedes-Benz, offre un civisme déroutant à cette bête. C'est confortable, silencieux; même le moteur, capable de sortir ses notes de baryton à la demande, se tient tranquille à vitesse de croisière. Le coupé est lourd, conséquence d'une voiture à petit budget, (enlever du poids est la chose la plus coûteuse sur une voiture), Si les V8 compensent largement cet embonpoint, on sent le V6 un peu à bout de souffle. La sonorité des moteurs V8 a été réglée pour imiter celui des années 70, et le charme opère, croyez-moi. La poussée raide d'un départ canon vous amène à 100 km/h en 5,4 secondes dans la SRT8, et l'échappement laisse passer ses plus belles notes à 5 000 tours par minute. Il est difficile d'aimer la boîte automatique à 5 rapports, elle ne semble pas à sa place dans cette voiture. Son fonctionnement est très fluide, mais elle est hors contexte et il n'y a même pas de leviers de sélection au volant, qu'un simple levier qui permet d'utiliser les vitesses en mode manuel en poussant vers la gauche ou la droite. La boîte manuelle avec pistolet Hurst est de mise dans cette voiture. Si vous aimez la tenue de route caractéristique de la 300C SRT8 qui donne l'impression de s'élancer avec un bâton de baseball trop pesant pour soi, vous serez bien servi avec la Challenger. On voit que l'équipe d'ingénieurs a travaillé fort pour conserver son intégrité au châssis. Malgré son poids et un centre de gravité relativement élevé, la voiture garde le cap même sous la torture. Une fois la limite atteinte, on sent l'arrière se dérober suffis